Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Atelier in8

12,00
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24 mai 2013

Petit roman de la collection Polaroïd des excellentes Éditions In8, spécialisées dans les nouvelles et les courts romans. Je vous en ai déjà parlé pour JB Pouy, Marcus Malte, ou le coffret Eros entre autres. Ce homard ne déroge pas à la qualité de ces petits livres.

Camille ne se sent pas bien dans son couple même si elle aime toujours Pierre, mais les comportements de son conjoint sont parfois difficiles à supporter. Elle trouve donc des ressources auprès du homard :

"Je m'approchai de l'aquarium et le homard agita les pinces. Je restai immobile face à lui. De temps à autres des rires fusaient en provenance du salon. Il me fixait lui aussi. Une espèce de sérénité avait envahi la pièce. J'éprouvais une profonde sympathie à son égard, on ne peut plus sincère, et je le lui dis, doucement, du bout des lèvres, à la surface de l'eau : "J'ai partagé ce sentiment de connivence avec bien peu de personnes". Il hocha la tête. A ce moment-là, il ne fit pour moi aucun doute qu'il avait compris." (p.26)

Une histoire à l'ambiance policière, car n'oublions pas qu'un meurtrier sévit à Ploudalmaiseau, qui avance l'air de rien. Les personnages sont loufoques, un peu barrés, mais également très ordinaires, des gens parfois comme vous et moi : pourquoi ne pas parler à un homard, on parle bien aux chats, aux chiens, aux plantes ? J'avoue même parler à Honorine, Fernande et Félicie, les trois poules du fond du jardin, lorsque je vais les nourrir et nettoyer leur enclos. Une histoire vue par les yeux de Camille, construite simplement. On a parfois l'impression que rien en se passe, mais finalement en 93 pages, Pascale Dietrich construit une intrigue, certes pas palpitante au sens de la découverte de tel ou tel indice ou même du ou des coupables, mais passionnante par l'atmosphère décrite. L'humour est présent, mais aussi de la mélancolie, et de l'attachement pour les personnages, Camille et Pierre en tête, sans oublier Simon Le Floch, le flic désabusé mais tenace.

En fait, on ne lit pas ce roman pour en connaître le dénouement mais pour passer un moment avec les personnages dans cette petite ville de Bretagne et pour goûter le sel et l'humour de l'écriture de l'auteure :

"Il se mit à bruiner. Les adultes se réfugièrent sous le préau et les chapiteaux. [...] Un marchand de fringues rapatriait dans sa boutique des caisses de tee-shirts à cinq euros. [...] Les lots de chaussettes avaient disparu à leur tour. Bientôt tout le village subirait le même sort. Parfois, la Bretagne me faisait l'effet d'un canapé convertible. Selon les caprices du temps, elle était dépliée, repliée, dépliée à nouveau..." (p.57)

Tout au long de la lecture, on a l'impression d'être sur la côte bretonne, dans la vieille maison qui fait rêver Pierre : les Bretons apprécieront la description de leurs paysages, les autres auront envie d'y venir goûter les embruns. Pascale Dietrich écrit là son premier roman (après des nouvelles), très prometteur pour la suite ; j'aime beaucoup les romans avec une ambiance forte, de beaux personnages, des trouvailles comme le homard, la vis dans la tête, l'amatrice de tombola (très importantes les tombolas à Ploudalmaiseau), ...

Un petit tour en Bretagne ? Vous n'êtes pas Anglais ou Parisien, allez-y vous ne risquez rien du serial killer ! Autrement, allez-y quand même, il faut savoir vivre dangereusement.

roman

Elan Sud

15,00
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24 mai 2013

Dominique Lin écrit la vie d'un homme tout simplement. Pas celle d'un "grand homme" qui laissera une oeuvre de quelque nature qu'elle soit, non celle de millions de gens : "Certaines personnes s'inscrivent dans la mémoire collective, d'autres se contentent de vivre leur temps discrètement. Pas de fait de guerre, pas de découverte, de théorie mathématique ou de citation philosophique. Il n'en reste pas moins qu'elles ont aimé, espéré, donné du plaisir ou de l'espoir à ceux qu'ils ont connu." (p.29) On est loin du fameux quart d'heure de gloire warholien qu'on met désormais à toutes les sauces, de ces personnes qui pour vivre ont besoin de se raconter entièrement sur les réseaux sociaux, de passer dans des émissions de plus en plus racoleuses et pitoyables (pour ce que je peux en voir sur le Zapping par exemple ou en entendre parler un peu partout, car même en ne s'y intéressant pas, on est quasiment obligé d'en avoir entendu parler ou d'en avoir vu des scènes désespérantes de platitude et de nullité). Non, Léon, est un homme profond qui a besoin de faire le point. Tous les questionnements y passent : pourquoi être né ici et pas là ? Pourquoi dans cette famille pauvre ? Pourquoi vivre seul avec sa mère ? Comment en est-il venu à ne plus apprécier ce travail qui le passionnait au départ ? S'échapper dans la lecture suffit-il à vivre pleinement une vie d'homme ? Etc, etc, ...

Subtilement et assez richement écrit (j'ai par exemple appris l'existence et la signification d'au moins deux mots : "vernal" = relatif au printemps et "allicier" = attirer, séduire) c'est un livre qui se mérite, qui se lit sans aucune longueur ressentie. L'auteur alterne les parties racontant la vie de Léon vue par un narrateur omniscient à la troisième personne du singulier avec des parties en italique, dans lesquelles Léon s'interroge, repense à sa vie d'enfant puis d'adolescent et d'adulte (écrites à la première personne du singulier).

J'ai noté beaucoup de pages qui m'ont plu ou touché, dans certaines desquelles j'ai pu me sentir concerné :

"Léon allumait rarement la télé [...] préférant se plonger dans l'immensité des livres. Il les préférait peu épais, persuadé que quelques pages suffisaient à exprimer l'idée de l'écrivain, le surplus n'étant que verbiage et digressions. [...] Les livres qu'il appréciait relevaient de la concision, de la ciselure." (p.40), je prends pour moi et en même temps, pour ce livre qui en est une illustration. Une autre phrase que j'aime beaucoup, presqu'un aphorisme tiré d'une réflexion plus générale sur la mort : "La mort, cette porte qui ne s'ouvre que dans un sens, est le seul rendez-vous garanti de notre agenda, tous les autres sont aléatoires." (p.41/42)

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22 mars 2013

Thriller pas reposant du tout. Si je commence à lire pas mal de polars, j'avoue ne point trop apprécier les thrillers souvent trop rouge sang pour moi. Mais là, Pierre-Yves Tinguely, à part plusieurs scènes de tueries assez glauques nous épargne l'hémoglobine à toutes les pages. Il construit son intrigue sur des faits et sur une croyance fantastico-religieuse ou religio-fantastique, c'est comme on veut. Et ça fonctionne très bien. Ceci étant, ne nous fâchons pas, on n'est pas dans le DaVinci Code (je dis ça, mais en fait je n'en sais rien, je ne l'ai pas lu ni vu et n'en ai absolument pas l'envie !). La croyance dont il parle est celle qui "justifie" le modus operandi des meurtres, mais pas la raison d'iceux.
L'auteur ne fait pas la part belle qu'à son intrigue sur laquelle je reviendrai, mais aussi à ses personnages, même secondaires : "La soixantaine certifiée Bourbon, maigre comme un clou. De petits yeux noirs occupés par une partie de tennis imaginaire, et une bouche en lame de rasoir. Sa tignasse d'un gris jaune tentait d'échapper à l'emprise d'une casquette rouge vif, brodée à la gloire des Mets. Quelques mèches rebelles matées par la bruine lui collaient sur le front tandis que son visage glabre présentait une foule d'éruptions cutanées." (p.11/12)
Les personnages principaux sont évidemment eux-aussi décrits et on peut s'intéresser à leur vie personnelle lorsqu'ils en ont une. Il ne me paraîtrait pas inconcevable que beaucoup d'entre eux reviennent pour d'autres aventures : Jason Reeds a formé une équipe solide composée de flics, d'un détective, de spécialistes en informatique ; beaucoup de personnes très aisément identifiables sans effort pour le lecteur.
Venons-en à l'intrigue maintenant, si les motivations du tueur ne sont pas très différentes de ce qu'on peut lire ou voir par ailleurs, PY Tinguely a su les mettre en mots efficacement. La tension est là dès les premières pages et ne vous quitte plus, pire, elle augmente même jusqu'à la fin, soit 367 pages plus loin. Le contexte mystico-religio-fantastique est présent mais point trop (et tant mieux) : "Cet ouvrage est une marche à suivre, Marc. Il permet d'invoquer sur terre des forces qui n'ont rien à y faire.[...] C'est l'ouvrage le plus rare, le plus ancien et le plus dangereux jamais conçu par l'homme. Son nom est le Codex Lethalis." (p.222/223). Mais ce qui rend ce livre captivant, c'est à la fois qu'on voit que les enquêteurs progressent, resserrent les liens autour du tueur, mais que dans le même temps, il continue à agir, et à chaque fois, on apprend de nouvelles horreurs commises par lui, de nouveaux pièges : il prévoit tout.
Malgré cette atmosphère étrange et inquiétante, quelques plaisanteries émaillent les dialogues voire même le texte comme celle-ci par exemple, mais je ne sais pas si elle est voulue ou fortuite :
"- Non, il se trompait. Il est mort après que son cerveau et ses globes oculaires ont bouilli.
Les yeux de Reeds s'arrondirent, Harris se pencha en avant.
- Quoi ? s'écrièrent-ils de conserve." (p.46)
Cette note comique (?) pour finir mon billet sur ce thriller loin de l'être -comique- lorgnant plutôt vers le fantastique, le rapide, l'efficacité voire le flippant. Un premier roman de PY Tinguely que, si vous avez la chance de l'ouvrir, vous ne pourrez plus lâcher.

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22 mars 2013

Revoilà Fitz et ses amis pour une nouvelle "enquête". Je mets délibérément ce mot entre guillemets car aucun des trois n'a la stature d'un détective privé ou l'étoffe d'un héros. Ils font des recherches avec les moyens du bord, trouvent ou échouent, mais à chaque fois commettent des gaffes ou partent sur des mauvaises pistes assez évidentes. On est loin des fins limiers qui flairent le tueur dès le début de leurs investigations grâce à leur instinct et qui le traquent jusqu'à l'ultime ligne du bouquin. J'avais déjà apprécié la première apparition du trio dans Les talons hauts rapprochent les filles du ciel -Olivier Gay a de l'inspiration également pour ses titres- et je renouvelle mon plaisir avec cette deuxième aventure -et sans doute pas la dernière, quelques indices laissant penser à une (ou des) suites. Chouette !.
Fitz étant un dragueur, un homme à filles, superficiel et fier de l'être, il est ravi de pouvoir assister aux répétitions du show des mannequins pour glaner des informations. Il réussit à assouvir le fantasme des hommes : être entouré d'une trentaine de filles toutes plus belles les unes que les autres. Il est dans son élément, drague, profite de la vue et des atours visibles des filles. Mais Aurélie, sa nouvelle conquête guette, de même que l'organisateur du spectacle, Nathan, qui le cerne très vite : "Sérieusement, on ne se connaît pas depuis longtemps, mais je sens qu'on va avoir l'occasion de se recroiser. Tu as l'air d'avoir un talent naturel pour attirer les emmerdes, je trouve ça fabuleux." (p.112) Voilà, c'est ça Fitz, ce talent naturel et un dilettantisme évident. Il ne fait rien à fond : ne s'engage jamais vraiment dans une relation, ne vend de la drogue que pour se payer son studio aux Champs-Élysées et pour les faux-frais, commence une enquête mais la stoppe dès les premiers obstacles, ... Un mec quoi, me diront quelques unes des filles -non, pas toutes ?- qui me lisent de temps en temps. Il est humain quoi ! Donc crédible.
Dans la forme, Olivier Gay ne change pas -il aurait tort d'ailleurs-, toujours le même ton : humour et dérision -voire même auto-dérision-, situations à peine réalistes ou pour le moins pas sérieuses dans le genre polar. Il se moque gentiment des jet-setteurs, des gens de la nuit, mais aussi des mannequins, des truands, en fait de tout le monde. Rien de bien méchant, juste une ou deux saillies : "Ma dernière histoire un peu sérieuse, ç'avait été Julie, et mes souvenirs restaient mitigés à ce sujet. Rien que d'y penser, je tendis la main pour aller caresser du doigt la cicatrice qui me mangeait le visage. Le médecin avait fait ce qu'il avait pu, mais je garderais à vie cette zébrure rageuse sur la joue droite. Moussah prétendait que ça me donnait du caractère -mais Moussah aimant aussi le look de M Pokora, je prenais ses commentaires avec un peu de recul." (p.19) Ça me rappelle certains livres de la collection jaune du masque que je lisais lorsque j'étais plus jeune, certains Exbrayat par exemple : une intrigue, des personnages sympas, de l'humour, un cocktail pas trop fort, on peut en prendre deux ou trois à la suite (donc si vous n'avez pas encore lu Les talons hauts..., n'hésitez pas, puis enchaînez avec Les mannequins...), qu'on apprécie sur le moment et dont on garde le goût en mémoire avec grand bonheur. Dès qu'il est passé au shaker de l'écrivain puis à celui de l'éditeur, j'en reprendrai bien un troisième moi !

Sélection Grand Prix de Littérature Policière

Jigal

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22 mars 2013

Ça commence comme ça, si après cet extrait, vous n'avez pas envie de poursuivre, je ne comprends pas :
"Comme j'avais faim, j'avais décidé de me faire un sandwich ou de manger des Tucs, ces biscuits salés et plats comme des crackers. Dans un sens, le sandwich ça cale et, si on met des bons trucs entre des tranches de bons pain, c'est bon. Les Tucs, par contre, c'est pas très bon et je ne sais pas trop pourquoi j'en ai toujours. C'est bourratif. [...] Finalement j'ai coupé la tranche de pain en deux et j'ai mis un Tuc entre les deux demi-tranches. Ça a fait un sandwich au Tuc. Franchement je ne compte pas déposer le brevet pour la recette. Il m'a fallu toute une canette de Coca pour faire descendre mon goûter." (p.5/6)
Je ne peux pas en citer plus, parce que c'est un peu long, mais le premier chapitre est excellent et met dans le bain tout de suite. Le roman est un road movie dans lequel le narrateur, Pierre, n'est pas le personnage principal. C'est Sahaa qui mène la danse. D'ailleurs, Pierre n'est que sa "dame de compagnie". Il est influençable, tombe amoureux au premier regard. Sahaa est plus organisée, moins sentimentale. Elle baise utile. Leur périple les emmènera chez des rockers français en pays flamand, les fera croiser une call-girl diplômée en astro-physique, des skinheads suisses doux, des tueurs, des fêlés, ... Une galerie haute en couleurs pourrait-on dire en usant d'une expression toute faite. Pour être complet, je ne peux pas passer outre quelques longueurs dans le mitan du bouquin, rien d'insurmontable cependant, juste des pages moins marquantes, un peu plus mornes, comme la vie à Zurich qu'elles décrivent. L'action repart très vite jusqu'à la fin.
C'est un roman dans lequel les femmes décident, jouent avec les mecs, ce n'est pas très courant. En plus, écrit par un homme.
"Finalement, c'est Sahaa qui a parlé en premier. A Béate.
- Bon, je te le prête. Tu connais un bon hôtel par ici ?
- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu me le prêtes ? C'est ton chien ou quoi ? Et qu'est-ce qui te fait croire que j'en ai envie ?
- Non, ce n'est pas mon chien. Si c'était mon chien je te le prêterais pas. T'as pas une tête à aimer les chiens. Mais pour ton envie, t'as raison, j'en sais rien, mais Pierre, lui, il est comme malade de te vouloir. Ça je le sais. Alors disons que c'est professionnel : tu me diras demain combien tu prends pour la nuit. Tu verras, il est pas fatigant, c'est un sentimental." (p.151/152)
Et vachement bien écrit. Un style rapide, très oral, qui rappelle les polars ou romans noirs états-uniens des années 50. Je dis, ça, mais en fait, je n'ai pas beaucoup de références en la matière, juste quelques lectures à droite et à gauche ; ça m'a surtout rappelé les romans noirs de Vernon Sullivan dans l'ambiance créée et dans le style, parce que le contexte est actuel, moderne ; la technologie sans être étouffante est très présente. Et Pascal Thiriet fait preuve de beaucoup d'humour, écrit pas mal d'aphorismes, des réflexions très drôles, frappées au coin du bon sens, très imagées :
"Léo, je ne sais pas si c'est du lard ou du lard. C'est le genre homo croyant mais pas pratiquant. Il est tout en gêne et en désir, comme un bedeau. Bref, il a un truc à me dire et il va te le dire et si tout va bien, je vous rejoindrai. S'il y a un problème tu ne me verras pas et on se retrouve à l'hôtel. Tu prends ton pistolet à bouchon, les bedeaux, parfois, c'est pas clair." (p.105)
Un premier roman déjanté qu'on ne lit pas trop vite pour garder le plaisir plus longtemps.