La belle affaire

Sonia Ristić

Intervalles

  • 1 février 2016

    Voilà un roman faussement désinvolte signé Sonia Ristíc, romancière et dramaturge née en Yougoslavie.

    La Belle affaire s'ouvre dans le Vermont, la Nouvelle- Angleterre, celle que l'on qualifie de cinématographique, sous un ciel orageux et caniculaire. La pluie dégringole, des bruits qui résonnent et un monde qui bouillonne.

    Nadja, l'héroïne, à la manière de celle de Breton, semble dans un temps de repli. Loin des siens, restés en France, elle enseigne l'écriture aux étudiants américains comme chaque été.

    La belle affaire, au sens anglo-saxon relate l'histoire passagère entre Nadja et un universitaire, le temps d'un été.

    Dans la chaleur humide, les amoureux se questionnent. C'est le temps des promesses au bout des doigts, comme des caresses.

    A l'aube de la quarantaine, la femme se remémore l'histoire d'amour adolescente avec un jeune africain. Histoire très vite interrompue par un père diplomate, en résidence en Afrique.

    La femme observe la jeune fille qu'elle fut et s'interroge sur sa vie entre les trois continents. Dans le silence, la symphonie laisse un goût amer. Son cœur est sous la pierre, le vent l'a comme balayé.

    Le texte de Sonia Ristíc est plus subtil. Ce roman aborde la question de l'importance à accorder aux faits, en soulignant la richesse de l'infiniment petit de nos vies. Les choses anodines nous construisent dans l'infinie richesse du minimalisme positif.

    Ce texte évoque les thèmes de l'exil, du déracinement et de l'appartenance relationnelle.

    L'ailleurs l'emporte au fil des pages, l'histoire ancienne comme un hors-temps, celui du déracinement. Nadja exorcise l'histoire traumatisante de cet amour interdit, un goût de désert au fond du ventre.

    La petite histoire rejoint la grande histoire celle de la guerre civile dans sa dimension tragique. Là, où tout s'affole, là le dernier verre avec un universitaire, puis le goût de l'oubli.

    A-t-on perdu ce que l'on a vécu ? Est-ce que la pluie peut tout emporter ?

    Sonia Ristíc peint un ciel superbe, quand il est vert de gris en Nouvelle Angleterre. Dans les bras de l'homme, ses yeux retrouvent en secret la couleur qu'ils avaient sur la terre rouge et ocre qu'elle foulait pieds nus. Ils souffrent parfois d'amnésie dans la lecture des saisons et l'écriture prend alors le pas dans cette nécessité thérapeutique. Celle des mots de femmes, que l'on cache parfois, que l'on condamne, ces mots des premières déchirures.

    Aux lourdes peines, s'entremêlent un rythme et une tonalité très cinématographiques qui enchantent ce texte de Sonia Ristíc, publié aux éditions Intervalles, Mai 2015.


  • Conseillé par
    8 novembre 2015

    L'autre Nadja

    Nadja est de ces personnages féminins qui ne laissent pas indifférents. La tendresse, proximité ou curiosité ressentie à son égard dépendra peut-être de l'âge, du sexe, ou du milieu dans lequel aura grandi le lecteur, bercé de littérature classique ou pas. L'héroïne emprunte au personnage éponyme d'André Breton.

    Chaque été, Nadja anime des ateliers d'écriture dans le Vermont, aux Etats-Unis. Une invitation professionnelle qu'elle doit au succès procuré par la publication d'un livre très personnel. L'occasion de laisser derrière elle mari et grands enfants, d'oublier totalement les contingences d'un quotidien pourtant agréable et de s'oublier dans l'ivresse de rencontres physiques, plus qu'amoureuses.

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  • Conseillé par
    31 août 2015

    Voici un roman qui me laisse une sensation bizarre : je suis à la fois sûr que j'avais en mains un livre intéressant, bien écrit, très plaisant et jamais je n'ai vraiment réussi à enter en contact avec Nadja, à la comprendre ni même à vraiment croire à sa transformation. Rien ne nous montre quels sont les ressorts qui lui font prendre conscience de sa vie ou alors, je suis passé à côté. Nadja, prénom référence à André Breton -vieux souvenir de lecture- ne m'a pas totalement convaincu. Elle est comme absente de sa vie, même si elle est omniprésente dans le roman. Elle avance sans vivre sa vie, la traverse, telle une somnambule, oublie les événements aussitôt qu'elle les a vécus aussi forts soient-ils et l'on sait que tout cela est lié à une histoire vieille de vingt-cinq ans, lorsque ses parents ont quitté avec elle précipitamment le pays d'Afrique dans lequel ils vivaient. Petit à petit, on comprend, tout s'éclairera en fin d'ouvrage. "A quinze ans, Nadja avait eu l'impression d'aller à sa propre rencontre, dans ce mélange d'excitation, de rage et d'apathie propre à l'adolescence. Puis les choses s'étaient enchaînées comme elles s'étaient enchaînées, l'excitation et la rage avaient pâli, l'apathie avait pris toute la place, d'autres avaient commencé à décider pour elle, ses parents d'abord, puis le docteur Cohen, puis Paul, et elle avait tout le temps froid, elle avait tout le temps peur, elle s'était mise à tout oublier, tout sauf ce dont on lui avait interdit de se souvenir." (p.30)

    Nadja est comme un cerf-volant, elle subit les vents, suit les courants ceux que lui impose son travail d'écrivaine et de cinéaste, son fil qui la retient et la relie à la terre c'est Paul, son mari. Je m'intéresse alors au manque de réaction de Nadja, à son manque d'ancrage dans sa vie plus qu'aux raisons de son état, et le roman m'apparaît comme celui d'une femme qui tente de sortir d'une longue léthargie, d'une déprime, ou plutôt qui en sort presque malgré elle, car encore une fois, elle n'est pas actrice de cette guérison.

    Courts chapitres qui donnent un peu de rythme, court roman (146 pages) qui permet de ne pas avoir de longueurs, car malgré mes réserves, je n'ai jamais ressenti de lassitude de tenir ce livre dans mes mains, je l'ai toujours repris avec plaisir lorsque je l'avais posé auparavant. L'écriture sûrement y est pour une grande partie, simple, accessible, mais aussi l'envie de savoir si enfin Nadja allait prendre sa vie en mains.

    A découvrir, j'ai hâte de lire les autres articles sur ce roman, je le ferai avec attention et grand intérêt