Les chagrins de l'arsenal

Patrice Delbourg

Le Cherche Midi

  • Conseillé par
    3 septembre 2012

    Le moins que je puisse dire c'est que Patrice Delbourg n'a pas une écriture commune et courante. Son texte d'un style littéraire haut de gamme, franchement élitiste est magnifique. Quel dommage qu'il soit constamment émaillé de mots de moi totalement inconnus. Environ un par page ! Conseil avisé : lire avec un dictionnaire à portée de main, mais attention, préférer le Littré au Petit Robert, car dans ce dernier, certains mots ne sont pas répertoriés. Une lecture, qui malgré des tournures de phrases travaillées, très belles et vraiment plaisantes en devient "canulante" (p.11) à force d'usage de mots savants, peu usités, voire plus du tout, sauf par l'auteur lui-même.

    C'est coincé entre les murs de la maison -je ne suis pas sûr de pouvoir ici user du mot "bajoyers" (p.12) qui s'applique plutôt aux écluses et aux ponts- pour cause de mauvais temps (étonnant cet été, n'est-il pas ?) que je me lance dans la lecture de ce roman. Mais quelle mouche m'a donc piqué ? J'aurais dû, avant de débuter, faire "propédeutique" (p.10) en lettres. Il y est question de voile qui "faseyait au vent" (p.9) (pléonasme ?), de "biffons" (?) (p.14), de "portulan" (p.18), de "poliorcétique" (p.23) ou encore d'"elzévir" et de "garamond" (p.37).

    Rassurez-vous, je ne vous ferai point un "épitomé" (p.33) ou un "spicilège" (p.19) de ce livre, parce que d'une part, j'ai arrêté de noter les mots auxquels je n'entrave que dalle à la page 50, et parce que d'autre part, mon "dictame" (p.48) personnel fut de stopper ma lecture avant la fin. Je n'en suis pas au point de préférer un "antiphonaire" (p.38) -surtout lorsqu'on connaît mon anticléricalisme-, mais j'avoue avoir pensé à "l'estrapade" (p.49) -en fait, je déconne, je ne connaissais ni le mot ni le principe.

    Loin d'être un "pouacre" (p.39) vivant dans une "sentine" (p.50), je me suis pourtant senti puant de manque d'instruction, de savoir, un vrai blaireau, quoi ! Un putois ! Ragaillardi par le fait que je ne trouve pas toutes les définitions des mots dans le dictionnaire, et ayant troqué la grimace pour un rictus ironique aux coins des "badigoinces" (p.44), je me suis dit :

    "Mon petit gars (et oui, quand je me parle, je m'appelle "mon petit gars", parce que si je dis "ma petite fille", ça m'excite et après je ne sais plus ce que je devais écrire ; ça, c'est du pompage -si je puis m'exprimer ainsi- du regretté Pierre Desproges), tu vas noter tous les mots que tu ne piges pas et tu vas faire ton billet en les incluant dedans. Pas chouette comme défi ça ?"

    C'est donc tout gonflé de fierté, par ma relative réussite, (je dis "relative", car je ne suis pas certain de ne pas avoir détourné quelques sens malgré moi) mon "vertugadin" (p.22) des chevilles, que j'achève cet article & -"esperluette" (p.33)- que je peux enfin citer l'auteur : "Excédé jusqu'à défaillir par un funeste souvenir d'ânonnement scolaire au tableau noir, il pourfendait ainsi d'un coup de Laguiole une arborescence d'Arsène Houssaye, un surgeon d'Henry Bordeaux, déjà bien encombré d'un salmigondis d'affèteries" (p.31)

    Alors, pour ne point être trop mauvais, voire jaloux, mauvaise langue et totalement inculte, je préfère reprendre le compliment sus-cité et le renvoyer à l'expéditeur: "Monsieur Delbourg, vous voici pris en flagrant délit d'affèterie !"