Le don d'avoir été vivant, essais
EAN13
9782909240930
ISBN
978-2-909240-93-0
Éditeur
Ecriture
Date de publication
Collection
ESSAIS ET DOCUM
Nombre de pages
360
Dimensions
24 x 15,5 cm
Poids
414 g
Langue
français
Code dewey
844.914
Fiches UNIMARC
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Le don d'avoir été vivant

essais

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Ecriture

Essais Et Docum

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du même auteur

ROMANS & RÉCITS

Paysage avec la chute d'Icare, Seuil, 2009.
Perasma, Seuil, 2001.
Une paix royale, Seuil, 1995 (prix Jean-Monnet des littératures européennes).
Lettres clandestines, Seuil, 1990.
Les Éblouissements, Seuil, 1987 (prix Médicis).
Perdre, Fayard, 1984.
Terre d'asile, Grasset, 1978.
Les Bons Offices, Seuil, 1974.
La Fête des anciens, Seuil, 1971.
L'Inde ou l'Amérique, Seuil, 1969 (prix Victor Rossel).

ESSAIS & CHRONIQUES

À propos de l'engagement littéraire, Comeau et Nadeau, 2005.
La Violence et l'Amnésie. Chroniques des années de soufre, Labor, 2004.
Écrire après Auschwitz ? Semprun, Levi, Cayrol, Kertész, La Renaissance du Livre, 2003.
Rilke ou l'ange déchiré, La Renaissance du Livre, 2001.
Une seconde patrie, Arléa, 1997.
L'Agent double, Complexe, 1989.
Uwe Johnson, le scripteur de mur, Actes Sud, 1989.
Berlin, un guide intime, Autrement, 1986.
L'Imprescriptibilité des crimes de guerre et contre l'humanité, Université de Bruxelles, 1974.

NOUVELLES

Collision, et autres nouvelles, Actes Sud/Labor, 1995.
Reconstitution, Noésis, 1993.
Les Phoques de San Francisco, Seuil, 1991 (prix de la nouvelle de l'Académie française).
Les Chutes centrales, Verdier, 1990 ; Grand Miroir, 2007.
Terreurs, Talus d'approche, 1983.
Ombres au tableau, Fayard, 1982.
Nécrologies, Jacques Antoine, 1977.
Le Niveau de la mer, L'Âge d'Homme, 1970.

THÉÂTRE & OPÉRA

L'Oreille absolue, L'Ambedui, 1999.
Flammes, Actes Sud-Papiers, 1993.
Collision, L'Avant-scène, 1988.
La Passion de Gilles, Actes Sud, 1982.

ENTRETIENS

Tout est feu, entretiens avec Edmond Blattchen, Alice, 1999.
Trente ans d'écriture, entretiens avec Jacques de Decker, L'Ambedui, 1995.
Pierre Mertens, l'Arpenteur, entretiens avec Danielle Bajomée, Labor, coll. « Archives du futur », 1989.

Un livre présenté par Charles de Trazegnies

La publication de cet ouvrage a été encouragée par la subvention accordée par la Communauté française de Belgique.

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eISBN 978-2-3590-5091-2

Copyright © Écriture, 2009.

Dans mon pays, on remercie.

RENÉ CHAR
« Qu'il vive »

AVANT-DIRE

Des textes parus naguère sous le titre L'Agent double1évoquaient des écrivains que leur fiction « engageait » plutôt qu'une idéologie – Cortázar, Sciascia, Kundera – ou qu'un ralliement funeste à celle-ci égarait – Gottfried Benn.

Dans Une seconde patrie2, Malraux, Kafka et Pasolini escaladaient leur siècle par des versants bien différents. Ils se retrouvent ici convoqués ensemble et rejoints par Cesare Pavese, Malcolm Lowry, Iouri Tynianov... Tous les membres de cette grande famille « recomposée » ont rendez-vous avec l'Histoire ou ne lui échapperont pas.

Les cartes étant battues autrement, le jeu se rouvre sur une partie inédite. Qu'ils fussent rongés par la maladie ou l'alcool, enfiévrés par les poisons de l'époque, assassiné, suicidaire... ou portés par leur exil plutôt que minés par lui.

Christa Wolf, qui avait fait le choix d'épouser, jusqu'au bout, quoi qu'il lui en coutât, la destinée de son pays, le temps que dura la République démocratique allemande, s'avisa un jour qu'elle y était mise, en permanence, sous surveillance policière. Elle n'en concluait pas moins « qu'il n'est d'autre malheur que de ne pas vivre. Et au bout du compte, d'autre désespoir que de ne pas avoir vécu3 ».

Tel pourrait être aussi le « secret » – bien gardé ou non – de ceux que nous évoquons dans les pages qui suivent. Leur héritage. Il est à recevoir dans sa totalité pour ce qu'il est : il n'y aura, sans doute, pas lieu de procéder à un « bénéfice d'inventaire ». Puisqu'il s'agit aussi de relater comment certains écrivains surgissent dans notre vie, et l'usage que nous en faisons...

1.Éditions Complexe, coll. « Le Regard littéraire », 1989.

2. Arléa, 1997.

3.« Ce qui reste », in Aucun lieu nulle part et neuf autres récits, Stock, coll. « La Cosmopolite », 2009.

I

DE LA TRAHISON À L'ENGAGEMENT

Gottfried BENN

UN VISIONNAIRE AVEUGLÉ

J'ai beaucoup de travail, dit M. Keuner, et ma tâche est rude, je prépare ma prochaine erreur.

Bertolt Brecht

Rien ne devrait être plus simple que de ne jamais trahir. Aussi nombreux ceux qui nous assurent qu'ils ne trahiront pas que ceux qu'anime la conviction qu'ils ne parleront jamais sous la torture. Ce sont, comme on s'en doute, parfois les mêmes1. La vérité est plus ingrate. Cela n'arrive pas qu'aux autres...

De la bouche de Paul Valéry, dont la bêtise n'était pas le fort, le maréchal Pétain s'entendit dire, dès 1931, lors de son entrée à l'Académie française, et à propos d'une guerre où il s'était brillamment illustré : « Il est des points qui s'obscurcissent sous nos yeux ; des jugements qui furent simples se nuancent, et il se produit je ne sais quels troubles et quels doutes dans l'opinion. Ce qui fut fait, ce qu'on eût pu faire ; les vrais ressorts des décisions qui furent prises, le rôle de chacun dans la bataille, tout ceci se ranime et se discute ; et voici que nous assistons au pénible enfantement de ce qui sera la vérité, et que nous sommes les témoins assez divisés de la formation difficile de l'histoire. C'est en quelque sorte l'avenir du passé qui est en question et qui se trouve disputé... »

Parler d'un avenir du passé, quand on évoque Pétain, c'était rien moins que prophétique !

Mais demeurons un instant en 1918, et transportons-nous du côté allemand : la défaite n'y fut-elle pas attribuée par les nationalistes à un « ennemi de l'intérieur », à « un coup de poignard dans le dos » porté, selon certains, par les défaitistes de l'arrière, et, selon d'autres, par les « chefs de guerre eux-mêmes » ? (Wir wurden betrogen und belogen.)

Longtemps, en Afrique du Sud, la lutte menée contre la politique d'apartheid fut légalement assimilée à un acte de sabotage ou de haute trahison2. Et quiconque combat un régime d'oppression n'a d'autre choix que de le trahir. Contre la légalité liberticide, il dit militer pour la légitimité vraie. Celui, alors, qui obéit aux lois mises en œuvre par les mêmes autorités se retrouve de propos délibéré, ou comme sans y penser, traître à la démocratie, pour avoir servi son gouvernement.

Il n'est plus utile de multiplier les exemples concrets pour attester que « traître », on l'est, tôt ou tard, de toute façon3. On est toujours l'Alcibiade, le Coriolan... ou le Spartacus de quelqu'un. On n'a que l'embarras du choix entre les trahisons à commettre, mais c'est à travers ce choix que l'on se détermine. On sera traître à sa patrie, comme Hamsun ou Quisling. À son gouvernement, comme Lindbergh, Pound... ou Gandhi. À sa classe, comme Marx. À ses amis, comme Elia Kazan. À ses principes4, comme Salvatore Quasimodo, John Steinbeck ou Jorge Luis Borges5.

Il arrive que ces reniements s'avèrent – pour le meilleur comme pour le pire – transparents. Mais il peut advenir que le cas soit moins clair. Quelques pacifistes (n'est-ce pas, Giono ?) savent ce qu'il en coûte de se compromettre dans certaines formes de pacification. Et de Rimbaud qui, en 1870, clamait : « On me dit que ma patrie se lève, je préférerais qu'elle reste assise », que n'eût-on pas dit en 1914 ?

Il arrive certes qu'on tourne mal. Il advient aussi que l'Histoire tourne, elle-même, de telle façon qu'on ait désormais à devenir autre pour rester fidèle à soi-même.

Quelques-uns – ce sont les plus sages – pressentent qu'« on ne doit jamais oublier combien d'innocence on trahit6 ».

Pour une anthologie raisonnée des erreurs

L'histoire de la pensée est, bien sûr, balisée de bévues et de fourvoiements. De quoi nourrir une anthologie, sinon une encyclopédie négative7 ! Les auteurs ne se gardent pas toujours, eux-mêmes, de tomber dans les pièges du manichéisme. Tant il est vrai qu'il y a deux sortes d'intellectuels : ceux à qui on pardonne tout, ceux à qui on ne passe rien. Tandis qu'on s'efforce de transcender jusqu'au délire antisémite de Céline, on s'acharne sur la mythomanie de Malrau...
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