Une société en marche

Ce livre propose une lecture globale des processions dans la France du 18ème
siècle, ouvrant à l’histoire religieuse, sociale, politique ou culturelle.
Omniprésentes dans la société et dans les rues, elles sont avant tout des
rituels religieux, qui se transforment par une modification de la pastorale
épiscopale et un détachement d’une partie de la population. Elles sont
doublement un enjeu social. D’une part, en raison du classement qu’opèrent la
marche et la définition des rangs. D’autre part, car se pose la question de
l’articulation entre obligation collective et liberté individuelle, moyen de
réfléchir à ce qui fonde l’ordre social. Les processions sont aussi un objet
politique, tant par la mise en scène des pouvoirs (au premier rang, royal) que
par la construction d’un espace de dialogue entre ceux-ci et les spectateurs.
Ce livre offre ainsi une réflexion sur les notions d’opinion publique, de
politisation et souligne la construction pratique et théorique d’une image du
roi en procession. Sur le plan local elle est également porteuse d’une
identité urbaine exprimée par des marches particulières porteuses de toute une
mémoire. Le livre en offre une première synthèse qui couvre une quarantaine de
villes. Ces éléments s’inscrivent dans une double dynamique. La première est
le jeu d’échelles entre national et local, privé et public. Le livre porte
l’analyse sur les transformations générales du sens même de la procession. Il
s’enracine également dans des études de cas locaux, témoins de
reconfigurations propres. Enfin, il s’attarde sur le vécu individuel que
transcrivent et reconstruisent les journaux privés et récits de voyages. Ces
jeux d’échelles articulent ainsi grandes tendances et diversités
d’appropriation pour une vision globale. L’autre dynamique est celle des
débats. La procession est un objet d’actualité au 18ème siècle et c’est l’un
des apports importants de le montrer. Les débats religieux portent sur les
origines de la pratique, son faste, et ses causes elles-mêmes. Les débats
sociaux mettent en jeu la dialectique entre individu et communauté, mais aussi
les critères de classement (prestige, ancienneté, utilité). Les débats
politiques abordent l’image des pouvoirs et la manière d’exprimer un désaccord
entre peuple et autorités. Enfin, un dernier débat porte sur l’occupation de
l’espace public, qu’il s’agisse du versant policier de l’ordre public ou
religieux de la tolérance. A ce titre, ce livre offre une relecture de
l’affaire La Barre, vue sous l’angle de la procession et placée dans un
continuum au sein des textes de Voltaire. La procession permet ainsi de relire
tous les grands débats du siècle de manière nouvelle. Pour toutes ces raisons,
c’est bien l’image d’une société qui est ici en transformation. Professeur
d’Histoire moderne à l’université d’Orléans, Gaël Rideau est spécialiste
d’histoire religieuse et politique de la France du 18ème siècle. Ses travaux
actuels portent sur les transformations religieuses et leur dimension
politique tant collectives qu’individuelles. Il a notamment publié De la
religion de tous à la religion de chacun (PUR, 2009), co-dirigé Paroles d’en
haut (Classiques Garnier, 2016), La Visibilité du religieux dans l’espace
urbain européen (PUR, 2021) et édité Honneur, bourgeoisie et commerce au
XVIIIe siècle. Le Mémorial du marchand-drapier orléanais, Pierre-Etienne
Brasseux (PUB, 2019).