La Femme de l'Allemand, roman

Marie Sizun

Le Livre de poche

  • Conseillé par
    20 août 2010

    "Confondue d'amour et d'effroi"

    Certains romans nous marquent de façon indélébile, la Femme de l'Allemand de Marie Sizun appartient à cette catégorie. Plus les années passent, plus je suis sensible au style d'un auteur, à sa singularité. Le phrasé de M.Sizun, ces courts paragraphes comme des coups de poing m'ont fait une grande impression.

    La folie est au coeur de ce livre, de même que la relation entre une fille Marion et sa mère Fanny. La narratrice est née d'une liaison, d'une passion pendant la guerre entre Fanny et un jeune soldat allemand. Cette naissance a bouleversé l'équilibre déjà fragile de la jeune femme, en proie à l'opprobre de sa famille et de la société. Elle revendique pourtant cet amour et garde dans son coeur le père de Marion, qu'on dit décédé sur le front de Russie. Ces épreuves ont mis au jour la maladie qui la rongeait déjà depuis l'enfance mais qui n'apparaissait que de loin en loin : elle est maniaco-dépressive et oscille entre l'exaltation la plus extrême et l'abattement le plus complet.
    Marion va être le témoin au jour le jour de cette avancée progressive de la folie qui transforme sa mère en une personne qu'elle ne reconnaît pas , agressive, excentrique et prête à tout pour combattre ce qu'elle abhorre : la bourgeoisie dont elle est issue et ceux qui voudraient la rendre "normale". L'enfant, puis l'adolescente et enfin la jeune femme nous décrit ses années passées avec un être imprévisible, hanté par une "force mauvaise" qui régulièrement la submerge. Dans ces moments où leur quotidien bascule, elle doit faire appel à ses grands-parents maternels ou au médecin de famille tout en ayant le sentiment de trahir celle qui l'a mise au monde car elle sait que celle-ci va être internée et "calmée" de manière parfois brutale.
    C'est cet insupportable calvaire que nous raconte Marie Sizun, cette impossibilité à aimer pleinement quelqu'un qui a en elle "une chose terrible, (une) chose mystérieuse, abominable, (qui) peut à tout moment se réveiller. Mais c'est peut-être aussi cette présence de l'ombre qui fait d'elle un être magique".
    J'ai lu ce roman, prise dans la même spirale que Marion, "confondue d'amour et d'effroi" devant la Femme de l'Allemand.


  • Conseillé par
    3 décembre 2009

    Un livre bouleversant à lire absolument.

    Encore une lecture qui m’a balayée… Je ne sais pas si cette histoire de « la femme de l’allemand » est basée sur du vécu. Peut-être. Ou sûrement parce que pour pouvoir parler de la sorte de son enfance, il faut l’avoir non pas effleuré du bout des doigts mais ressenti. Vous pensez que je fais dans la sensiblerie ou dans la mièvrerie ?

    Ma mère était folle. Oui, elle était maniaco-dépressive. Imaginez-vous un instant sortir cette phrase de votre bouche. Que ressentez-vous ? De la honte, de la gêne ? Et maintenant que pouvez-vous lire dans les yeux de vos interlocuteurs ? De la stupeur, de l’incrédulité, de la surprise ou alors vous devinez la question qui leur traverse l’esprit mais qu’ils n’oseront jamais dire tout haut « mais la folie c’est héréditaire, non ?».

    Mon père ? Je suis une enfant née d’un amour impossible lors de la seconde guerre mondiale. Nul besoin d’en dire plus, laissez-leur le temps d’accuser le coup.

    Et vous ? Comment l’auriez-vous vécu ? Question difficile, voire taboue. Chut, on ne parle pas de ces choses là, c’est trop dur… comme si juste les évoquer à demi-mots pouvait amener le malheur.

    Dans ce livre, Marie Sizun le raconte à sa façon si juste, si parfaite. Elle raconte cette différence et comment on grandit avec malgré le reste : les questions, la culpabilité, les doigts accusateurs ou les regards méprisants.