sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

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23 avril 2021

Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer Eleva Abramovici et Exaucé Makasi Motembe, l'étudiante studieuse et l'activiste congolais.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer dans cette Roumanie de Ceaușescu qui accueillait les étudiants africains mais refusait qu'ils fréquentent les filles du pays.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer mais de leurs étreintes fugaces est née une fille, une métisse dans un pays raciste et ignorant.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer et Nili à grandi sans un père rentré au pays, chassé par la chute du Conducator, sous les insultes des Roumains choqués par la couleur de sa peau, élevée par une mère reniée par sa famille.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer et Elena a voulu oublier cette rencontre, la nier, chasser le péché, couper les ponts et faire de cette enfant non désirée, une Roumaine, une universitaire comme elle, une femme qui n'a pas de corps mais un cerveau.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer, ils n'ont même pas eu le temps de s'aimer mais Nili a porté cette rencontre en elle et elle a dû lutter pour laisser s'épanouir le Congo en elle. D'abord à Paris, au Congo ensuite, sur les traces de ce père absent, aimé et haï, dans ce pays inconnu qui bat en elle.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer, Elena et Makasi, et pourtant ils ont créé une lignée. Nili attend un fils, elle va lui donner la vie dans quelques heures mais avant de le mettre au monde, elle lui raconte cette rencontre qui n'aurait jamais dû avoir lieu. Elle lui raconte Elena, Makasi, la Roumanie, Paris, le Congo et les hommes. Ceux qui tuent, qui frappent, qui violent, ceux à qui il ne devra jamais ressembler.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer et pourtant ils sont les héros d'un livre comme un coup de poing dans la gueule des mères mal aimantes, des pères absents, des racistes, des préjugés, des dictateurs, des tortionnaires… Un coup de poing dans la gueule de tous ceux qui ne voient pas que le métissage est une richesse et qu'un enfant est un cadeau à chérir.

Un roman en lice pour le Prix Orange du Livre. Bonne chance Annie Lulu !
Merci à la Fondation Orange, Lecteurs.com, Françoise Fernandes et les éditions Julliard.

Anne-Marie Métailié

21,00
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17 avril 2021

C’est en Norvège, à Kirkenes qu’officie désormais Klemet, affublé d’un coéquipier finlandais, Nina ayant quitté la police des rennes. Autre pays, autre ville, mêmes problèmes. Frontalière de la Russie, la région se heurte à des problèmes de voisinage. Les rennes ne connaissent pas les frontières et vont allègrement brouter le lichen russe tandis que les chiens errants russes attaquent les troupeaux côté norvégien. La vallée de Pasvik pourrait devenir le théâtre d’un incident diplomatique d’envergure. Car si les bêtes font fi des frontières créées par les hommes, il en va de même pour les Samis qui aimeraient profiter des pâturages russes comme le faisaient leurs aïeux, avant que les guerres ne dessinent ses lignes imaginaires. C’est le cas de Piera Kyrö dont quarante bêtes sont passées à l’est, poussées par un instinct ancestral qui les fait rechercher le lichen blanc, celui-là même dont rêve Piera pour ses rennes. Alors qu’un député suédois et sami aimerait réunir en une même assemblée samis, scandinaves et russes, de l’autre côté de la frontière on voit une opportunité d’organiser des trafics et de s’enrichir. Pour Klemet, la tâche est rude. Il s’agit de récupérer les rennes, de se débarrasser des chiens et de ne pas froisser les sensibilités. Et si son coéquipier lui est insupportable, il peut à nouveau compter sur Nina qui, à sa grande surprise, a intégré le Commissariat des gardes-frontières.

Curieuse enquête qui se déroule de nos jours sous Poutine mais n’aurait pas paru anachronique au temps de la guerre froide. Même défiance, même fibre patriotique, mêmes chicaneries bureaucratiques, mêmes soupçons d’espionnage.
Une ambiance de méfiance, donc, des deux côtés de la frontière et la description d’une Russie peu attrayante, grise, polluée, pauvre et désespérée où règnent corruption et violence. Et un peuple sami à l’agonie, laminé par le communisme peu enclin à laisser pervertir l’homo sovieticus par des velléités d’indépendance culturelle. Ils ont pourtant survécu au goulag, aux kolkhozes, à la chute de l’URSS même s’ils se sont aculturés…
Après la déception de La montagne rouge, Les chiens de Pasvik est un excellent tome, très documenté, très instructif. Le suspense n’est pas haletant mais les descriptions des paysages de la toundra russe sont magnifiques et on ne se lasse pas des questionnements de Klemet sur son identité sami ni de ses interactions problématiques avec Nina.
On espère qu’Olivier Truc n’en a pas fini avec la police des rennes et ses deux héros.

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13 avril 2021

Bienvenue à Funäsdalen, sa boutique d’antiquités, son salon de massages, ses soirées de bingo, sa toundra, ses éleveurs de rennes, ses bûcherons et sa montagne rouge. Rouge du sang des rennes que les Sami abattent sous une pluie torrentielle, mettant à jour un squelette sans crane. Pour Petrus Eriksson, le chef du sameby de Balva, cette macabre découverte pourrait être la solution au conflit qui oppose son clan aux bûcherons locaux qui contestent aux Sami leur droit coutumier à faire paître leurs rennes en abattant les arbres à lichen. Dater ce squelette au XVIIè siècle prouverait que les Sami étaient présents sur les lieux avant les Scandinaves et pourrait infléchir la décision du juge de la Cour suprême de Stockholm. Mais pour cela, trouver le crane est essentiel, les scientifiques sont formels. Et c’est là qu’intervient la police des rennes. Mutés dans ce territoire frontalier de la Norvège, Klemet et Nina sont chargés de mettre la main sur cette pièce manquante, plongeant ainsi dans le monde des collectionneurs d’ossements.

La troisième enquête de la patrouille P9 est pour le moins atypique. Le mort est un squelette sans crane et il n’y a peut-être même pas eu meurtre…C’est donc plutôt à une quête anthropologique que se livrent Klemet et Nina qui tentent de découvrir ses origines ethniques et son époque. Ce faisant ils soulèvent un pan peu glorieux de l’Histoire de la Suède. Il est ici question de théorie des races, de mesures des cranes et de supériorité des blancs. Bien avant les nazis, les Suédois ont tenté de prouver que les Samis étaient des êtres inférieurs, des sauvages tout juste bons à vivre sous une tente au fin fond de la toundra. Le pire étant que ces méthodes archaïques n’ont pas été tout à fait abandonnées. De nos jours encore, aux réfugiés syriens, afghans ou chinois qui se disent mineurs, on mesure les os, on soupèse les testicules, pour vérifier leur âge réel…
Tout cela est fort intéressant mais est-ce vraiment ce que l’on cherche quand on lit un polar ? La recherche du crane disparu piétine, traîne en longueur, se perd dans des répétitions sans fin et finit par perdre le lecteur qui s’ennuie à mourir. Klemet et Nina font pâle figure et les autres protagonistes sont caricaturaux. Les seuls à s’en tirer sont les deux Samis, Petrus Eriksson, le chef de clan, et son fils Viktor, le présent et l’avenir d’un mode de vie voué à disparaître.
Instructif mais monotone. Une déception.

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1 avril 2021

Reniée par sa famille, bannie du village par le prêtre catholique, Catherine Goggin se retrouve à Dublin à seize ans, enceinte et sans le sou. En cette année 1945, dans la très catholique Irlande, les filles-mères sont considérées comme des prostituées et n’ont souvent d’autre choix que de confier leurs bébés à l’adoption. Son fils devient donc Cyril Avery, l’enfant d’un couple aisé et excentrique qui l’accueille avec charité mais indifférence. Il ne sera jamais un vrai Avery, qu’il se le dise ! Cyril a sept ans quand il fait la connaissance du fils de l’avocat de son père adoptif et éprouve un véritable coup de foudre pour le beau et sûr de lui Julian. Ainsi Cyril se découvre gay et en grandissant il va affronter les préjugés et la sévérité d’un pays qui ne se contente pas de bannir les homosexuels. On peut les emprisonner, les tabasser et même les tuer tant ils sont des dégénérés insupportables dans une société encore régie par un clergé catholique intolérant et rigide. Son salut viendra avec sa fuite et c’est hors de l’Irlande qu’il pourra enfin s’épanouir, aimer, être aimé et assumer sa sexualité. Viendront les années 80, le Sida, des rencontres, des pertes, des deuils, des retrouvailles et l’espoir de retourner en Irlande pour enfin se réconcilier avec son pays, son passé, son histoire.

Oh là là quel livre !! L’épopée d’un homosexuel irlandais de 1945 à 2015 avec une galerie de personnages hauts en couleurs, des drames, des joies, de l’amour, de la haine, du sexe et des curés.
L’ombre de John Irving plane sur Les fureurs invisibles du cœur et John Boyne ne s’en cache pas, le livre lui est dédié et son personnage lit Le monde selon Garp. On retrouve l’ambiance de A moi seul bien des personnages, pour le cheminement d’un homosexuel et l’évolution de la société. S’y ajoute une similitude avec les thèmes abordés dans Inishowen de Joseph O’Connor ou Philomena de Martin Sixsmith.
Mais qu’on ne s’inquiète pas, John Boyne a son propre style. Entre tendresse, tristesse, réalisme et une bonne dose d’humour, il nous emporte dans le tourbillon de la vie d’un homme né trop tôt, au mauvais moment, au mauvais endroit. Tant d’années gâchées à vivre dans la honte, à se contenter de rapports sexuels rapides, discrets, la peur au ventre. John Boyne en profite pour égratigner une société puritaine et hypocrite, une religion catholique qui l’est tout autant et critique vivement les hommes d’église, moralisateurs, intolérants, toujours prêts à juger et à condamner. Cyril Avery est un personnage qui émeut, qui agace mais qu’on accompagne avec bonheur tout au long de ces plus de 800 pages, avec tous ceux qui l’entourent, ses curieux parents adoptifs, son meilleur ami et amour de jeunesse, sa mère biologique, son épouse légitime, son grand amour, etc., tant de personnages bien décrits, à la forte personnalité, qu’on quitte avec regret.
Tout sonne juste dans ce roman addictif, émouvant et plein d’espoir. Un énorme coup de cœur.

Soupes complètes d'ici et d'ailleurs

Paprikas, Nadia

Mango-Jeunesse

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1 avril 2021

‘’Mange ta soupe, ça fait grandir !’’ me disait-on autour de la table familiale quand, enfant maigrichonne et difficile, je rechignais à terminer le pot-au-feu du dimanche.
Et c’était vrai ! Grâce aux recommandations avisées de mes parents, je culmine à 1m57, c’est dire s’ils avaient raison !
Bref, j’ai ‘’grandi’’, j’ai vieilli même et je ne chipote plus devant mon assiette. Dorénavant, je ne me fais pas prier pour manger ma soupe et je me suis donc tout naturellement tournée vers le livre Soupes complètes de Nadia Paprikas.
Une bonne surprise. Un tour du monde des soupes les plus emblématiques de quelques pays de chaque continent.
Comme je suis une femme de traditions, c’est toujours le dimanche que je concocte mes potages. Cela fait un mois que je possède le livre, j’ai donc essayé quatre soupes. Quatre voyages qui m’ont emmené en Ecosse (Le cullen skink au haddock), en Chine (La soupe au poulet), en Grèce (La yuvarlakia aux yaourt et à la viande hachée) et en Algérie (La chorba).
Bilan très positif. Les recettes sont claires, les soupes délicieuses. Je n’ai pas fini d’exploiter cet ouvrage. Je compte bientôt m’envoler pour le Mexique, visiter l’Autriche et faire un petit tour Japon. Entre autres ! Encore de belles découvertes en perspective…