sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

Voyage en corée du nord, le pays où tout est vrai mais faux

Pyramyd

25,00
Conseillé par
8 mai 2021

Il y a quelques années, je suis tombée sur le blog d’un jeune allemand qui livrait ses impressions de voyage en Corée du Nord. Il y expliquait ses réticences à injecter des dollars dans une dictature mais expliquait sa curiosité de visiter un pays divisé, comme le sien l’avait été jusqu’en octobre 1990. Ce jeune allemand - appelons-le Florian, puisque tel est son prénom - était rentré de son séjour au pays des Kim, des images plein la tête et avec des idées bien arrêtées sur le mauvais procès que les Occidentaux font à la République populaire démocratique de Corée. Accueilli par des gens charmants, spectateur ébahi de la joie de vivre du peuple coréen, impressionné par la modernité de Pyongyang, Florian avait tout simplement été dupé par la propagande nord-coréenne. Il aura fallu un second voyage, l’année d’après et cette fois à la campagne, loin de l’image parfaite, vitrine du régime, offerte par la capitale, pour que le jeune homme découvre à quel point il avait été naïf, manipulé, trompé. Les visages émaciés, la famine, les coupures d’électricité et les camps de travail ont eu raison de son innocence et de sa méconnaissance du pays…
Plus informé et mieux armé, le photographe Didier Bizet a rapporté de son voyage en Corée du nord des photos autorisées par ses guides, de lieux choisis par eux, sa liberté artistique bridée, ses mouvements surveillés. Loin d’être dupe et surtout frustré par ce séjour sous surveillance, il a décidé de répondre à la manipulation et au mensonge par la satire et le trucage. Manipulant les images comme les Kim manipulent la vérité, il publie un livre de photos où tout semble vrai et pourtant…chacune cache un détail insolite, entraînant le lecteur dans un jeu de ‘’cherche et trouve’’ d’un genre nouveau. Ici le sigle H&M s’affiche en grand sur une façade, là le majeur levé d’un écolier au milieu d’un groupe d’enfants affichant le sourire de rigueur, là encore un robot s’invite dans une file d’attente ou une femme du peuple brandit un sac Louis Vuitton. Autant de pieds de nez à la propagande, la désinformation, la doctrine du Parti.
Une démarche que j’ai trouvée originale et intéressante. Trouver le détail est parfois facile, d’autres fois moins évident. C’est un peu comme gratter la surface lisse et sans aspérités que veut montrer le pays. Derrière les sourires, les danses, la joie factice se cachent aussi les anomalies d’un pays schizophrène et paranoïaque.
Le livre se termine par un entretien avec Guy Delisle, l’auteur de Pyongyang, qui a vécu en Corée du Nord. Les deux hommes y échangent leur expérience et leurs impressions sur ce pays énigmatique, dernière dictature totalitaire de la planète. Passionnant !

16,80
Conseillé par
29 avril 2021

Il n’est pas rare en se promenant dans le parc impérial d’Ueno de voir fleurir de grandes bâches bleues sur lesquelles les familles s’installent pour profiter de la beauté des cerisiers en fleurs.
Mais pour les SDF japonais, ces mêmes bâches ne sont pas synonymes de douceur de vivre. Ils s’en servent pour se protéger de la pluie dans leurs cabanes faites de bric et de broc.
Kazu était l’un de ceux qui vivaient dans le parc. Après une longue vie de labeur sur différents chantiers de la péninsule japonaise, il était retourné chez lui, près de Fukushima, pour découvrir que ses enfants avaient grandi sans lui et qu’il ne les connaissait pas. Restait sa femme, seule rocher auquel s’accrocher après une vie conjugale marquée par ses absences. Mais sa mort, suivant de peu celle de son fils, lui avait fait fuir sa région natale pour revenir à Tokyo et s’installer à Ueno.
Ueno, cadeau de l’empereur aux habitants de la capitale, poumon vert de Tokyo. Ueno et son zoo, ses temples, ses musées. Ueno et ses laissés-pour-compte, souvent des provinciaux échoués ici après un drame familial, une perte d’emploi, un revers du destin.

Souvenirs d’une vie d’un homme qui, comme il le dit lui-même, n’a pas eu de chance. Il a travaillé depuis son plus jeune âge, s’est sacrifié pour nourrir sa famille et finalement est passé à côté du bonheur.
A travers le destin de Kazu, Miri Yû raconte tous ceux qui ont échoué dans le parc d’Ueno, toutes ces vies en marge qui se débrouillent avec des bouts de rien pour maintenir un semblant de vie. Invisibles au milieu des promeneurs, ils sont carrément effacés quand le parc est visité par un membre de la famille impériale. Commence alors la ‘’battue’’. Ils ont quelques jours pour démonter leurs abris, entreposer leurs maigres biens dans des lieux dédiés et se fondre dans l’anonymat d’une salle de cinéma ou d’un cybercafé. Cachons ces indésirables que l’empereur ne saurait voir !
Douceur et mélancolie pour un livre fort qui réussit à mettre de la poésie dans la noirceur. Car il ne faut pas se fier à sa couverture rose bonbon. Sortie parc, gare d’Ueno est un récit triste et dur qui donne à voir la triste réalité des SDF au Japon. Souvent des campagnards ‘’montés’’ à Tokyo pour travailler et qui ont subi de plein fouet les crises financières successives, ils ont été rejoints par les réfugiés de Fukushima chassés de leur région par la catastrophe nucléaire de 2011. Une minorité invisible que l’on chasse au gré des visites des puissants.
Un sujet intéressant et douloureux traité avec pudeur et poésie.

Sok-yong HWANG

Philippe Picquier

17,50
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28 avril 2021

Au soir de sa vie, Minwoo Park est un homme heureux. Il vit dans un bel appartement, sa fille a réussi en Amérique, il est reconnu, célèbre même en tant qu’architecte et, surtout, il a réussi à s’extirper du bidonville où il a grandi. Il est loin derrière lui le quartier de Dalgol, excroissance poussée à flanc de colline dans la banlieue de Séoul. Grâce à son intelligence, son ambition et un peu de chance, il a fait des études, un beau mariage, une belle carrière, laissant derrière lui la misère de Dalgol et ses habitants. Mais un message tendu par une jeune fille lors d’une de ses conférences le renvoie à son passé. Il émane de Soona, une jeune fille qu’il a aimée naguère et qui l’aimait en retour. Quand il a quitté le quartier, il a laissé derrière lui cet amour de jeunesse. Avec Soona, les souvenirs jaillissent et avec eux les questionnements sur ce qu’il a fait de sa vie. A-t-il renié ses origines ? En fuyant Dalgol, n’a-t-il pas troqué les petits trafics pour des malversations de plus grande envergure ? La solidarité, l’entraide, les amitiés, les relations de bon voisinage dont il se souvient lui jettent au visage sa solitude, ses trahisons, ses renoncements ? Minwoo est-il vraiment l’homme heureux qu’il semble être ?

Chronique douce-amère de la réussite d’un homme qui s’est construite à l’image de son pays. Combien d’amis Minwoo a-t-il laissé derrière lui pour accéder au sommet ? Combien de laissés-pour-compte pour faire de la Corée l’un des quatre dragons asiatiques ?
Minwoo se souvient de la misère, la faim, le froid, des masures qui poussaient comme des champignons tout autour de Séoul. C’était son monde avant qu’il ne devienne un éminent architecte. En se développant, le pays a voulu faire table rase de cette pauvreté crasse. Les gens ont été chassés, leurs logis dévastés par les pelleteuses, leur habitat remplacé par des tours d’immeubles. Où sont-ils allés ? Que sont-ils devenus ? Minwoo n’a jamais cherché à le savoir, il a fermé les yeux sur les gros bras recrutés pour faire dégager les contestataires qui s’accrochaient à leurs maisons. Il a indirectement participé à leur expropriation et s’est perdu dans un système de corruption.
Alternant entre le passé et le présent de Minwoo et le récit de la jeune fille qui lui a remis le message de Soona, Au soleil couchant est un livre plein de nostalgie et de regrets qui met le doigt sur la face cachée de la fulgurante réussite économique de la Corée du sud. Un roman beau et dur à la fois.

Thriller

Le Livre de poche

8,70
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26 avril 2021

Pour avoir fait un stage au FBI (quinze jours sans grand intérêt lors de son cursus universitaire), la jeune criminologue Seon-geyong Lee est surnommée Clarice Starling par ses étudiants. Sobriquet prémonitoire puisque, à l’instar de Jodie Foster dans Le silence des agneaux, elle est sollicitée par le célèbre tueur en série Byeong-do Lee qui attend la mort dans une prison séoulite. Pourquoi elle, encore si peu connue dans sa profession ? Et pour lui dire quoi ? Veut-il raconter les circonstances qui l’ont poussé à tuer des dizaines de femmes ? Lui donnera-t-il des indices sur les lieux de ses charniers ? Effrayée mais guidée par sa conscience professionnelle, Seon-geyong rencontre ‘’le diable au visage d’ange’’ et rentre chez elle, secouée par cette brève confrontation, pour découvrir que son mari a recueilli chez eux sa fille Ha-young. Née d’un premier mariage, la fillette âgée d’une dizaine d’années vient de réchapper à un incendie qui a tué les grands-parents qui l’élevaient depuis le décès de sa mère un an plus tôt. Seon-geyong va devoir développer des trésors de patience pour apprivoiser cette enfant perturbée et hostile.

C’est étrange comme les lectures se suivent, totalement différentes, et pourtant reliées par le thème central de la maternité. Après Nili et sa mère oscillant entre indifférence et froideur dans La mer noire dans les grands lacs et la mère trop tourmentée pour aimer de Betty, Mi-ae Seo nous raconte l’enfance perturbée de Byeong-do abreuvé d’insultes et de coups par une mère plus que défaillante qui a fait d’un petit garçon apeuré et assoiffé d’amour un des plus célèbres serial-killer de Corée.
Différents lieux, différentes époques et ce fil conducteur des conséquences du désamour maternel…
Confrontée à ce tueur sans pitié qui lui confie des bribes de son passé, la criminologue doit aussi gérer les difficultés de l’arrivée d’une enfant dans son couple jusqu’ici équilibré. Son mari lui avait caché la mort de son ex-femme ainsi que les détails de leur séparation mal vécue par la mère de sa fille. Et le voilà qui amène cette enfant triste et mutique dans l’appartement conjugal pour finir par la laisser à la garde exclusive de Seon-geyong, lui étant trop pris par son travail. Seule et inexpérimentée, la jeune femme fait ce qu’elle peut face à une fillette difficile et inquiétante. Au rythme de ses visites à la prison et de ses tentatives de rapprochement avec Ha-young, des regards, des comportements chez l’enfant lui rappellent Byeong-do, au point qu’elle finit par en avoir peur…
Un thriller psychologique glaçant, perturbant, effrayant. Qui décortique les motivations d’un tueur de sang froid mais oppose aussi la société coréenne à ses lacunes. Une société où il ne faut pas faire de vagues et garder pour soi ses sentiments et où l’on se sent bien seul. Seul avec ses fêlures, ses deuils, ses colères, ses chagrins, ses angoisses…

Conseillé par
25 avril 2021

Qui n’a jamais rêvé de prendre une retraite anticipée et de vivre enfin le rêve de toute une vie ? Agatha Raisin, la cinquantaine fringante, a sauté le pas. Elle a troqué sa florissante agence de relations publiques londonienne contre un cottage dans les Costwolds. A elle les petits villages typiques de la campagne anglaise, le chant des oiseaux, la nature et la messe du dimanche matin. Oui mais voilà…Agatha s’ennuie. Les villageois sont bien sympathiques mais elle n’est pour eux qu’une citadine de passage, une étrangère. Alors pour s’intégrer et, pourquoi pas, se faire des amis, Agatha s’inscrit au concours de la meilleure quiche. Elle ne sait pas cuisiner, et alors ? L’ex-femme d’affaires file à Londres, achète une quiche et la présente comme sienne sans honte ni pudeur. La sanction ne se fait pas attendre : non seulement elle ne gagne pas mais le juge meurt empoisonné par les restes de sa quiche. Sa réputation est faite. Mrs Raisin est une tricheuse et une meurtrière ! Heureusement, la police conclut à un accident. Pourtant, Agatha doute et se lance, telle une miss Marple débutante, dans une palpitante enquête pour débusquer le coupable.

Besoin de légèreté ? De dépaysement ? D’une bonne dose de bonne humeur ? Alors pas d’hésitation, Agatha Raisin est la personne idéale pour vous entraîner dans ses folles aventures au cœur de la campagne anglaise. Imaginez des collines verdoyantes, des maisons de briques ocres, des petites églises, des pubs accueillants, des dames patronnesses et au milieu de ce paysage bucolique, une quinqua exubérante, égocentrique, sans-gêne et sans scrupule. Pas facile pour cette femme ambitieuse, qui n’a jusqu’ici vécu que pour son travail, de lâcher prise, d’être oisive, de profiter des joies simples de la vie rurale. Entre tentatives maladroites, fausse modestie et coups de force, Agatha va finir par se faire une place dans son village d’adoption pour le plus grand plaisir du lecteur ravi de la retrouver dans d’autres aventures.
Pas d’hémoglobine, pas de suspense haletant, mais une ambiance bucolique, de la gaieté, une galerie de personnages hauts en couleurs et une irrépressible envie d’enfourcher un vélo pour suivre Agatha de village en village sous le soleil des Costwolds. Une lecture plaisir sans prise de tête.