sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

Conseillé par
10 octobre 2013

Ruth a quitté sa trépidante vie new-yorkaise pour suivre son mari au Canada sur une île de Colombie britannique. Bien sûr elle aime son mari et sa nouvelle vie mais éprouve tout de même une certaine nostalgie et connait une panne d'inspiration dans son travail d'écrivain. Un jour, lors d'une de ses promenades le long de la plage, elle trouve un étrange paquet rejeté par la mer, sans doute un de ses rebuts provenant du Japon comme il y en a souvent depuis le tsunami.

Au milieu d'objets hétéroclites, Ruth découvre le journal intime de Nao, une adolescente japonaise qui couche ses réflexions dans un carnet, installée dans un maid café tokyoïte. Très vite, Ruth est emportée par le récit de cette jeune fille hors du commun qui raconte ses jeunes années en Californie, le difficile retour au Japon, le harcèlement dont elle est victime au lycée, la déprime de son père, son grand-oncle kamikaze, son arrière grand-mère nonne bouddhiste, sa vie de l'autre côté de l'océan. Par delà la distance et le temps, un lien très fort se tisse entre l'auteure américaine et l'adolescente japonaise.

Foisonnant et audacieux, le dernier roman de Ruth OZEKI est un saut en chute libre dans la société nipponne, entre traditions ancestrales et modernité. Inclassable, mêlant rêve et réalité avec bonheur, il est complexe sans être compliqué et fait la preuve que l'auto-fiction, si elle est bien maîtrisée, peut être autre chose qu'une étude attentive de son nombril. Ruth OZEKI, portée par sa double culture, américano-japonaise, crée un monde parallèle où tout est possible : croiser un kamikaze de la deuxième guerre mondiale, une nonne centenaire qui pratique le zazen, un homme qui se met à l'origami pour éloigner son désespoir, et -pourquoi pas ?- changer la fin de l'histoire et sauver l'adolescente et sa famille. Il faut lire ce roman, apprendre à connaitre l'attachante Nao et se laisser emporter dans ce voyage onirique. Une lecture surprenante mais magique, à ne pas rater !

1

Ki-oon

Conseillé par
9 octobre 2013

Naomi, une jeune flûtiste, s'apprête à reprendre les répétitions de la comédie musicale Hamlet mais elle est perturbée par un cauchemar qui hante toutes ses nuits : un homme dont elle ne voit pas le visage et qui tient un crâne entre les mains l'entraîne dans les ténèbres. Elle se décide à aller consulter un psychanalyste, le docteur Matsuzaki qui pense que la clé du problème se trouve dans le passé de la jeune fille. Au même moment, la police reçoit un appel anonyme qui conduit à la découverte d'un squelette sans tête et sans identité dans l'appartement en face de celui de Naomi. C'est l'inspecteur Tsuyoshi Ishikura secondé du jeune inspecteur-adjoint Aragaki qui est chargé de l'enquête.

Autour de l'héroïne, Naomi, jeune fille en détresse qui semble avoir occulté de sa mémoire un évènement traumatisant, gravite une foule de personnages qui vont sans doute être déterminants pour la suite de l'histoire : les deux policiers en charge de l'enquête sur le cadavre découvert tout près de chez Naomi, le psychananlyste, Akiho la violoncelliste qui va épouser Kazuo le pianiste et le nouveau chef d'orchestre, Yasufumi, qui revient d'Allemagne où il a passé cinq ans et qui n'est autre que l'ex petit ami d'Akiho. Pour l'instant, on a droit à une présentation sommaire mais les caractères sont déjà bien marqués et les zones d'ombre subtilement évoqués.
Très élégant dans ses dessins et très clairs malgré les nombreux personnages et les changements incessants de lieux, ce manga se dévore en un rien de temps. Sombre et inquiétant, ce premier tome est une belle réussite qui donne férocement envie de s'attaquer au tome 2 sans attendre.

Conseillé par
8 octobre 2013

Toujours prisonnier de son corps d'enfant, Shinichi Kudo n'en demeure pas moins le meilleur détective du Japon. Il le prouve encore en résolvant deux affaires de meurtre haut la main. D'abord, en week-end avec Ran dans la maison de vacances très isolée de leur copine Sonoko, il démasque un tueur sanguinaire qui a tué et démembré une jeune fille et semble en vouloir à la vie de Ran. De retour à Tokyo, il accompagne Ran et Sonoko dans un karaoké de quartier où ils ont la chance de passer la soirée avec les membres d'un groupe de rock. Quand le chanteur-vedette s'écroule, empoisonné au cyanure, la police conclut au suicide. Mais Shinichi, alias Conan, dévoile l'identité du tueur en même temps qu'une tragique histoire d'amour contrarié. Malheureusement, il commet une imprudence qui met les hommes en noir -ceux-là même qui sont à l'origine de son rajeunissement- sur sa piste. Quand une femme inconnue, qui prétend être sa mère, vient le chercher, il n'a d'autre choix que de partir avec elle, vivement encouragé par Ran et son père qui mettent son refus sur le compte d'un caprice d'enfant. Ses tentatives de fuite se soldent par un échec, un mystérieux homme masqué en veut à sa vie. Conan est en danger de mort !

C'est toujours un plaisir de retrouver le petit détective Conan dont l'esprit de déduction n'a rien à envier à son célèbre homonyme. Ici les enquêtes sont classiques, dans la lignée des grands maîtres du suspense : des amis réunis, dans une maison de campagne ou un karaoké, et parmi eux, un assassin. Retors, malin, bien préparé, peu importe! Conan déjoue toutes les stratégies, démontent tous les alibis. Lui seul résout le mystère, tel un Hercule Poirot junior, devant l'assemblée médusée.
Deux enquêtes très plaisantes et pour terminer un cliffhanger des plus angoissants puisque Conan se retrouve en très mauvaise posture et craint pour sa vie. Vite, le tome 6 !

19,00
Conseillé par
7 octobre 2013

Au soir de sa vie, Isaac Golder lance une bombe dans le monde des lettres en annonçant publiquement qu'il n'est pas l'auteur de "La Toile", son premier roman, celui qui lui a apporté la célébrité. Il avoue avoir volé le texte à Rachel, son amour de jeunesse, déportée à Ravensbrück en 1943 et qu'il croyait morte. La presse s'empare de ce scandale et recherche Rachel qui vit à Rimini avec son mari Lucio dont elle a eu un fils. Rachel est bouleversée par ses révélations, elle qui n'avait jamais parlé de sa vie dans les camps, se confie à deux journalistes tout en écrivant de longues lettres à Isaac sans trouver le courage de les envoyer.

Pourtant, Isaac va bel et bien recevoir des lettres, celles de Juan Cerro, un jeune argentin, fils bâtard et parricide d'un nazi réfugié en Argentine, Horst Wolf, celui-là même qui a sauvé Rachel juste avant la libération de Ravensbrück. Son carnet bleu, journal intime d'un SS, raconte un jeune homme embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, affecté à Ravensbrück, réfugié en Amérique du Sud où il n'a pas su être père.

Riche, dense et extrêmement bien documenté, La nuit des secrets est un roman qui plonge le lecteur dans l'horreur de la deuxième guerre mondiale. Quatre voix se mêlent pour raconter leur vision de la guerre et des évènements qui s'en sont suivis.
D'abord, il y a Rachel, fauchée dans la fleur de l'âge par la folie des hommes. Elle survivra au camp mais à quel prix? Remarquée par un gradé, elle servira dans la villa SS, esclave d'un homme violent qui abusera d'elle et la fera dormir dans un sombre réduit. Rescapée certes mais avec le besoin d'oublier la vie d'avant le camp, de vivre cachée et de taire aux siens les outrages subis; rescapée mais souillée, honteuse de son sort de "privilégiée". Vient ensuite Juan. Enfant il croyait que son père était pilote de ligne et quand sa mère lui avoue la véritable identité de son géniteur, il n'éprouve que honte et dégoût. Pourtant, il souffrira de l'absence et du rejet de cet homme qui est un "salaud de nazi" mais qui n'en demeure pas moins son père. Sentiments ambivalents où la honte s'ajoute à la honte encore et encore. Il lui faut tuer le père, à la fois pour venger le peuple juif, pour le punir de lui avoir transmis ce sang de criminel et surtout, sans doute, pour l'amour qu'il n'a pas voulu donner. Sa vision de ce géniteur va pourtant changer quand il découvre le carnet bleu. Il apprend alors à connaitre un Horst sensible, dépassé par les évènements, enrôlé malgré lui dans les SS, honteux de ses origines modestes, de la faiblesse de son père et qui cherchait un père en la personne de Heinz N., le gradé dont il était le sous-fifre. Ecoeuré par la violence de son mentor et le traitement qu'il infligeait à Rachel, mais trop jeune et trop lâche pour se rebeller, il subit l'horreur du camp et sauve peut-être son âme en épargnant Rachel. Mais combien de morts pur une vie sauvée? Faut-il le dédouaner de tous ces actes pour cet ultime geste d'humanité? La quatrième voix est celle d'Isaac Golder, le voleur de manuscrit, celui qui s'est bâtie une carrière sur un mensonge. Son aveu tardif bouleverse la vie de celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer. A 82 ans, il a besoin du pardon de Rachel, d'une explication et aussi d'en savoir plus sur son passage en enfer. Lui-même promène une double culpabilité, avoir échappé aux rafles et avoir trahi son amour de jeunesse. Le pardon est-il possible?
Tout n'est heureusement pas dit ! David DOMA offre un roman passionnant qui explore les tréfonds de l'âme humaine et jette un regard impartial mais sans concessions sur une période trouble où le noir et le blanc se mêlaient pour créer cette grisaille qui envahissait tout. Un récit beau et puissant, à lire tout simplement.

Un grand merci au club Dialogues croisés pour cette magnifique lecture.

Sudarènes Éditions

20,00
Conseillé par
6 octobre 2013

En 2007, Pauline quitte la Provence, sa mère qui l'étouffe de son amour, son amant japonais qui ne sait pas l'aimer, pour rejoindre une amie au Japon. Au même moment, à Tokyo, Kizuki rencontre Midori, une ancienne geisha, entretenue par un homme politique riche et vieux. Leur amour est immédiat, ils s'offrent une escapade enchanteresse près du Mont Fuji. Pourtant, le jeune critique gastronomique, amoureux mais indécis, ne saura garder la belle geisha. Ses trois personnages, et d'autres, vont se croiser au gré des hasards de la vie dans un Japon magnifique et fascinant.

Un roman japonais pour une auteure française dont on sent tout l'amour pour le Pays du soleil levant, ses traditions, sa culture. Des destins croisés de Pauline, Kizuki et Midori, nous découvrons les fils qui viennent s'entrelacer autour de thèmes universels : l'amour, le deuil, la maternité. Et c'est tout le Japon qui nous est offert, modernes et bouillonnants, sereins et contemplatifs, terre de contrastes où les salarymen négocient de gros contrats et ne prennent que quelques jours de congé par an pendant que les geishas vivent au rythme lent des bonzaïs qu'elles font pousser. On suit avec plaisir les tribulations de ces personnages tourmentés mais attachants et pleins de vie, guidés en cela par l'écriture poétique de Brigitte LASCOMBE. Un roman envoûtant comme le Japon.