sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

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29 mai 2021

Divorcée et mère d’une adolescente, Claire Cassidy enseigne l’anglais dans un collège public du Sussex. Pendant les vacances, elle y anime des ateliers d’écriture dont le thème est la littérature gothique à la manière de R.M. Holland, l’auteur de la célèbre nouvelle ‘’L’inconnu’’. Car si son collège ne jouit pas de la meilleure des réputations, il a la particularité d’avoir été la résidence du mystérieux écrivain. Son bureau est d’ailleurs toujours visible dans la partie ancienne de l’établissement. Une aubaine pour Claire qui travaille sur une biographie de Holland. La jeune femme mène donc une vie épanouissante mais routinière qui va se trouver bouleverser par une série de meurtres. C’est d’abord Ella, sa meilleure amie, professeure d’anglais elle aussi, qui est assassinée à coups de couteau. Près du corps, une citation tirée de ‘’L’inconnu’’. Un véritable choc pour les élèves et le corps enseignant. L’enquête est confiée au lieutenant Harbinder Kaur, une ancienne élève du collège et son collègue Neil Winston. Très vite, ils s’intéressent à Claire, surtout lorsqu’elle leur révèle que quelqu’un a annoté le journal intime qu’elle tient depuis de nombreuses années. Un inconnu s’est introduit chez elle, a violé son intimité ! Et les meurtres s’enchaînent, toujours inspirés de la nouvelle. Claire et sa fille Georgia sont-elles en danger ?

Un polar qui fait la part belle à l’écriture et la littérature. De Claire Cassidy qui rédige son journal à sa fille qui participe à un étrange atelier d’écriture et se confie sur internet, en passant par R.M. Holland et sa nouvelle horrifique, tous les personnages lisent et écrivent dans cette histoire. Et ce n’est pas la seule originalité du roman. Il y a aussi une dimension surnaturelle et mystérieuse avec une sorcière blanche, une usine désaffectée où brillent d’inquiétantes lumières, un collège hanté par le fantôme de la femme de l’écrivain. Tout cela participe à faire du Journal de Claire Cassidy un vrai bonheur de lecture entre polar et fantastique. Les personnages sont aussi particulièrement attachants, avec une mention spéciale pour Harbinder Kaur, la flic célibataire, sikh, lesbienne et qui habite encore chez ses parents à trente-cinq ans. Un brin cynique, volontiers critique, elle apporte une touche d’humour dans cette sombre histoire.
Avec ses références littéraires, son suspense bien mené et ses personnages bien campés, Le journal de Claire Cassidy est une petite pépite qui ravira les amoureux de la littérature. Un coup de cœur.

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27 mai 2021

A Longyearbyen, dans l’archipel du Svalbard, au nord du nord de la Suède et de l’Europe, les enfants ne craignent ni le Père Fouettard, ni le Croquemitaine. Non, ce qu’ils craignent, c’est le sixième homme, celui qui hante les galeries de la mine de charbon qui fait vivre le bourg. Aussi quand la petite Ella disparait du jardin d’enfants, ses petits copains savent que le sixième homme n’est pas étranger à cet enlèvement. Mais la police, plus terre à terre, cherche plutôt du côté du père de l’enfant, le nouvel ingénieur de la mine, en froid avec sa femme qu’il voudrait effrayer et punir en s’emparant d’Ella.
Malgré les recherches, père et fille restent introuvables et dans la nuit polaire qui n’en finit pas, les langues se délient et mettent à jour les secrets d’une communauté qui vit repliée sur elle-même durant ces longs mois d’hiver. La nuit éternelle, les tempêtes et les températures glaciales n’empêchent ni les jalousies, ni les adultères, ni la contrebande. Les habitants s’épient, les commérages vont bon train mais pour la police locale, aidée par le Kripos de la capitale, la priorité est de retrouver la fillette saine et sauve.

Ambiance glaciale pour un polar qui tire son originalité non pas de l’intrigue -une disparition d’enfant dans le cadre d’une famille dysfonctionnelle- mais plutôt des lieux de l’action, la ville minière de Longyearbyen : une nuit sans fin, qui peut rendre fou, une nature hostile et menaçante, la mine et ses traditions, ses conditions de travail difficiles, ses légendes. Monica Kristensen nous offre une immersion dans cette petite communauté où la vie peut devenir oppressante entre la nuit qui n’en finit pas, l’isolement et le manque de divertissements. Là-bas comme ailleurs, on ment, on trompe, on épie son prochain et on pille les richesses de la nature. Malgré les dangers d’un environnement hostile, c’est toujours de l’homme que viennent les pires méfaits…
Si le suspense n’est pas haletant, Le sixième homme mérite un détour dans le Grand Nord, ne serait-ce que pour découvrir cet archipel perdu de l’océan Arctique. A lire au coin du feu.

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24 mai 2021

A Kyoto, un jeune étudiant français se rend tous les samedis chez Madame Yamamoto pour y apprendre les subtilités de la cérémonie du thé. Le Gaijin et la Sensei ont développé une complicité faite de respect et d’indulgence. Il admire la vieille dame, elle s’amuse de ses maladresses.
Un matin, la leçon est retardée par Shimizu-san qui finit par arriver en s’excusant. La jeune fille est d’une beauté délicate, réhaussée par son magnifique kimono et l’étudiant n’est pas insensible à son charme. Aussi, quand après le cours, elle l’invite pour un thé chez sa sœur Miya, il accepte sans hésiter. Son prénom, Ichie, signifie ‘’une rencontre’’, elle lui parle d’ichigo, un hasard, pour qualifier le moment qu’ils viennent de vivre. Et en effet, au hasard d’une rencontre autour d’un thé, il va vivre avec la mystérieuse jeune fille, une histoire ‘’de thé et d’amour’’…

Une bulle de délicatesse, de sobriété, de pudeur. Hubert Delahaye nous entraîne à sa suite dans ses souvenirs de jeunesse lorsqu’il était étudiant à Kyoto et s’initiait à la cérémonie du thé, cet art séculaire qu’il tente de maîtriser malgré sa gaucherie et son impatience. Il nous raconte le matériel, toujours choisi avec soin en fonction des circonstances, les gestes, précis, codifiés, délicats, et les émotions liées au cérémonial, apaisement, calme et sérénité. Un environnement où ne déteint pas la belle Ichie, sublimée par les kimonos qu’elle choisit avec soin. C’est pourtant dans la plus parfaite nudité qu’elle choisit de lui préparer un thé, chez lui, dans sa petite maison traditionnelle. Leur liaison sera intense mais fugace, un moment hors du temps, à l’image de la cérémonie du thé. Ichie livre ses secrets mais reste mystérieuse, presque inaccessible. Comme le thé, elle restera à jamais l’essence du Japon, que l’on peut effleurer mais jamais posséder entièrement.
De thé et d’amour est une courte nouvelle totalement envoûtante, un éloge à la culture japonaise, une histoire poétique et intemporelle. A lire pour s’isoler de la trépidation du monde le temps d’un voyage à Kyoto.
Je remercie chaudement Pascaline et L’Asiathèque pour cette parenthèse enchantée.

Asiathèque

7,90
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22 mai 2021

A Shanghai, la maison de Zhang Yingxiong doit être rasée au grand désespoir de son père qui refuse toutes les propositions d’indemnisation. Quand les voisins, peu à peu, quittent le quartier, les Zhang résistent mais le père y laisse sa santé et sa vie. Pourvus d’une somme dérisoire, insuffisante pour se reloger, mère et fils se font héberger par un membre de la famille mais Yingxiong ne digère pas cette injustice. Son désir de vengeance se focalise sur Lu Zhiqiang, chargé par la municipalité de convaincre les récalcitrants. Il trouve un emploi dans un restaurant dont l’une des fenêtres donne sur le balcon de son ennemi. Il se met à épier le fonctionnaire et sa fille Shanshan qu’il suit dans les rues du quartier. Trouvera-t-il le courage de se venger ?

Loin des jolies façades coloniales du Bund ou des buildings ultra-modernes de Pudong, Ren Xiaowen nous entraîne dans les quartiers pauvres de Shanghai, dans ces hutongs traditionnels amenés à disparaître au nom du progrès. En peu de pages, l’autrice dessine des personnages forts et une trame où se mêlent chronique sociale, suspense et dénonciation de la misère et des expropriations.
Sur le balcon raconte, avec brio, émotion et justesse, les laissés-pour-compte, la corruption, l’injustice, la part d’ombre de la Perle de l’Orient.
Encore inconnue en France, Ren Xiaowen est célèbre dans son pays pour ses novellas, textes courts entre le roman et la nouvelle, qui ont renouvelé la littérature chinoise, depuis les années 80. Gageons qu’elle saura aussi se faire un nom ici, grâce à la nouvelle collection de L’Asiathèque ‘’Novella de Chine’’, dirigée par Brigitte Duzan.
A découvrir !
Merci à Pascaline et aux éditions de L’Asiathèque.

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19 mai 2021

Kim Jiyoung vit à Séoul. Elle a un mari, une petite fille et un trouble de la personnalité. En effet, depuis quelques temps, la jeune mère au foyer parle avec la voix d’autres femmes. Pourtant, elle ne boit pas en cachette, elle ne se drogue pas et jusqu’à présent son comportement a toujours été exemplaire. Elle n’a pas non plus subi un choc récemment. Non. Pour en arriver là, Kim Jiyoung a simplement suivi le chemin banal d’une femme coréenne banale dans une société où être une femme est une tare incompatible avec les rêves, les ambitions, une carrière ou même un minimum de considération.

En six grands chapitres, Nal-joo Cho nous raconte les étapes-clés de la vie d’une femme comme les autres en Corée du sud.
Kim Jiyoung a grandi dans une famille de trois enfants, deux filles et enfin ! un garçon. Le petit roi qui n’accomplit aucune tâche domestique, est toujours servi en premier à table, mange les meilleurs morceaux. Inutile de protester devant de telles injustices, la grand-mère remet fermement les filles à leur place.
En grandissant, Kim Jiyoung se rend compte que le traitement de faveur réservé à son jeune frère n’est pas une exception, plutôt une norme, une règle tacite qu’elle retrouve à l’école, au collège et au lycée. Grâce à sa mère, Kim Jiyoung peut choisir son cursus universitaire. Mais là encore, les étudiants ont des prérogatives dont ne bénéficient pas les filles.
Vient ensuite l’entrée dans le monde du travail. Malgré son diplôme, Kim Jiyoung, comme ses amies, obtient difficilement un entretien. Les entreprises privilégient les hommes et ne s’en cachent pas.
Quand enfin, elle est embauchée dans une société d’évènementiels, la jeune femme travaille d’arrache-pied, gère les dossiers les plus difficiles mais ne bénéficie d’aucune promotion. En haut lieu, on sait bien que dès qu’elle sera enceinte, elle démissionnera, comme la majorité des femmes coréennes.
Et la voilà mère au foyer. Oisive ? Non ! Entre l’entretien de l’appartement, les biberons, les repas, le linge, les couches, Kim Jiyoung est bien occupée. Ce qui n’empêche pas les actifs de traiter les femmes comme elle, d’"épouses parasites", occupées seulement à dépenser l’argent que gagne durement leurs maris.
Kim Jiyoung, née en 1982 est donc l’histoire banale d’une femme banale qui encaisse, encaisse et encaisse encore, qui observe en silence la façon dont on bafoue les femmes le plus naturellement du monde, leur imposant des choix de vie qui ne sont pas les leurs, des salaires plus bas, des sacrifices, des humiliations quotidiennes.
Un livre coup de poing qui dénonce froidement, sans fioritures, sans effets de style. Juste des faits, étayés par des statistiques et le constat honteux d’un patriarcat assumé, inculqué dès le plus jeune âge avec une valorisation excessive des hommes et des femmes traitées en sujets secondaires. Tout cela dans une société évoluée, moderne et au XXIè siècle. Déprimant…