Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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9 décembre 2016

Un beau roman d'atmosphère et d'ambiance lourdes et angoissantes. La lenteur et la monotonie des journées de Sean et des habitants de la ferme sont le contexte de ce roman qui joue sur les relations compliquées entre les filles et leur père, entre la famille en tant que groupe mais aussi ses individualités et Sean et entre la famille et les habitants de la petite ville avoisinante qui la rejettent et vice-versa. Il y a aussi les sanglochons, qui à eux-seuls forment un paysage sonore et odorant de second plan mais qui ajoute à la noirceur et la tension de l'ensemble. Un roman rural et poisseux qui se déroule en France mais qui pourrait être transplanté dans certaines campagnes étasuniennes perdues. Rusticité et violence, bestialité et force des hommes mais aussi douceur et tranquillité, beauté des paysages, de la faune et de la flore. Trois cents pages qui n'ennuient jamais le lecteur, qui avec des retours en arrière expliquent pourquoi Sean se retrouve dans cette situation et ce qu'il fuit. Sean cherchera aussi à connaître les raisons de la haine entre la famille et ses voisins.

Archétypes mais pas caricatures, Sean, Mathilde et Gretchen - les deux filles de la ferme -, Arnaud le père, évoluent et sans cesser de se chercher et de se jauger parviennent à créer des relations parfois difficiles, parfois empreintes d'une tension sexuelle, de jalousie, de désir refoulé, mais aussi de défi, d'autorité et de domination. L'ensemble est vraiment bien vu et si la "chute" n'est pas à tomber sur le cul, eh bien, elle ne déçoit pas du tout,

Une belle réussite que ce roman français d'un écrivain anglais qui se balade très habilement et sans rougir dans le genre polar qui privilégie l'atmosphère et les personnages plutôt que la violence et l'hémoglobine.

Le space opéra pulp et pop avec des bagarres

Rue de Sèvres

3,50
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9 décembre 2016

Tome 1 d'un "space opéra" (sous-genre de la SF avec des aventures épiques situées dans un cadre géopolitique complexe. Merci Wikipedia) mené par Lewis Trondheim aidé par divers auteurs et dessinateurs de BD. La série se présente en petits fascicules de 34 pages, couverture souple, un comics.

A priori, je ne suis pas fan du genre, la SF et les mondes extra-terrestres, souvent fouillis sont plutôt très agréables à mon œil de non amateur mais je dois dire ici que je me suis régalé. Les personnages sont bien esquissés et se révèleront j'espère dans les tomes suivants, l'humour est très présent et j'aime beaucoup.

Présenté comme - vous le voyez sur la photo - "le space opéra pulp et pop avec des bagarres", il tient ses promesses. J'enfonce le clou en disant que nous sommes plusieurs à l'avoir lu à la maison - dont quelques non lecteurs - et nous attendons tous la suite avec impatience.

PS : j'ai lu également le numéro 2 qui est sorti en même temps - mais que, pour diverses raisons - j'ai mis plus de temps à trouver - peut-être moins drôle, mais l'histoire se met en place, les liens entre les personnages et les enjeux... j'attends la suite.

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9 décembre 2016

Le récit de Jean-François Bouchard est celui d'un homme connaissant bien l'Afrique qu'il a sillonnée pour le compte du Fonds Monétaire International et d'autres institutions. Sa grande force est de mettre à la portée du lecteur une histoire tragique et pas aisée à comprendre tant les intervenants sont divers et nombreux. Mais finalement, tous ont en commun, soit l'intérêt de leur pays soit leur propre intérêt et c'est ce qui les classe dans un camp ou un autre. L'ouvrage remonte au début du siècle précédent lorsque la Belgique prend à l'Allemagne le royaume du Ruanda-Urundi qu'elle avait colonisé à la toute fin du 19° siècle. A partir de 1931 et s'appuyant sur l'ethnologie, une science naissante, les Belges décident de classer les habitants du royaume : les Tutsis, plus grands aux trait plus fins, descendant du Nil et éleveurs, les Hutus plus trapus et peuple local et agriculteurs et les Twas descendants des Pygmées cueilleurs. "A l'image des Aryens en Europe, auto-proclamés race supérieure, car issus d'un peuple germanique du Nord qui se distinguait par sa haute stature, sans doute est-ce du fait de leur morphotype élancé que les Belges eurent la curieuse idée de favoriser les Tutsis au détriment des Hutus, créant en pratique un régime d'apartheid entre ces deux ethnies. Au demeurant, il était incontestablement aventureux de parler d'ethnies distinctes dans les années 1930, tant ces gens qu'on voulait distinguer en les nommant Tutsis et Hutus avaient toujours vécu en symbiose plus ou moins étroite, et en se mélangeant constamment." (p.23) Et voilà, l'homme blanc, fort de ses connaissances et de sa supériorité vient de semer les graines de la haine et de la violence qui ne s'arrêteront plus dans cette région jusqu'à encore maintenant, puisque si le Rwanda semble être apaisé -mais mené d'une façon très autoritaire par Paul Kagame, tutsi, mis en cause dans plusieurs morts suspectes dont celle du président rwandais Juvénal Habyarimana- le Burundi est toujours dans la tourmente notamment très récemment lorsque son président Pierre Nkurunziza a décidé de se présenter à un troisième mandat de président alors qu'ils sont limités à deux.

JF Bouchard parle de tous ceux qui ont essayé de réconcilier Tutsis et Hutus dans les deux pays, le prince louis Rwagasore, Melchior Ndadaye, ... et je vous passe tous les noms des autres, nombreux, qui ont tous finis assassinés. Son livre est passionnant, un peu long sur la fin, peut-être trop détaillé, mais je répète passionnant. Pour peu que vous soyez passés un peu à côté des terribles massacres de 1994 au Rwanda ou que les les ayez suivis mais sans vraiment comprendre pourquoi et comment ces deux ethnies si proches en étaient arrivées là, je vous en conseille très fortement la lecture, qui point par point explique la genèse de la haine et la montée de celle-ci au fond des esprits.

Les Presses de la Cité

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9 décembre 2016

Une chronique d'un village quelques années après la guerre qui pourrait être banale, sauf qu'elle est raconté par Michel Quint. Il sait comme personne inventer des situations, décrire des personnes avec des secrets bien gardés. Tous les protagonistes ont quelque chose à cacher, les premiers rôles comme Robert et Hortense, mais aussi les seconds rôles et notamment Odette la femme du bistrotier, tous les habitants du village : un passé peu glorieux pendant la guerre, des relations adultères, des trafics en tous genres, des dénonciations, des jalousies poussant à des actes inavouables, ... Bref, aucun personnage n'est tout blanc ou tout noir. Michel Quint ancre son histoire dans cette année 1953 et je dirais même dans cet hiver (janvier/février) qui correspond aux dates du procès d'Oradour. Hortense est alsacienne, comme les accusés, les malgré-nous, qui enrôlés de force dans la division Das Reich de la Wafen-SS furent coupables du massacre, elle est donc si ce n'est suspectée au moins vue par certains d'un mauvais oeil. Ce procès est le centre des conversations pendant tout l'hiver, avec la guerre d'Indochine puisque l'un des garçons du village en est revenu mutilé et un autre y est encore. Puis, ce sont les incendies volontaires qui se succèdent dans les alentours d'Erquignies qui viennent supplanter les autres sujets. A coup d'anecdotes, de noms de politiques, de titres de chansons de l'époque, de noms de journalistes, de personnalités diverses, l'auteur nous plonge définitivement dans cet hiver 1953, dans le nord de la France. Quels beaux personnages dans son roman : totalement crédibles et humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs lâchetés et leurs courages... Ils sont tous aimables et antipathiques, bons et mauvais. Tout tourne autour des relations qu'ils entretiennent, une vraie vie de village avec ses amitiés, ses inimitiés, ses ragots, ses jalousies...

Et puis, la grande force de ce roman réside comme dans tous les livres de Michel Quint dans la langue, dans l'écriture du romancier. Il sait construire des phrases très particulières, la virgule là où l'on ne l'attend pas forcément qui nous oblige à ralentir le rythme de lecture voire à revenir en arrière et relire la ou les phrase(s). Il les déstructure, change l'ordre des mots, fait suivre dans une même phrase une description et une remarque d'un personnage sans nous prévenir -à nous de faire avec et de s'y retrouver. Cette construction donne assurément un style, pas toujours simple, mais d'une grande beauté. Un style entre l'oral et le descriptif, très personnel, qui personnellement me ravit. Il m'oblige -comme je le disais plus haut- à prendre mon temps, à prendre plaisir à lire tous les mots, dans l'ordre voulu par l'auteur. Michel Quint n'écrit pas tout son livre de cette manière, il est parfois plus classique, ce qui permet de lire certains passages plus vite et de surtout ne pas prendre l'habitude de ses phrases si particulières et donc de s'y arrêter un peu plus longtemps, comme s'il voulait nous les faire remarquer.

"Madame Bonnard appelle Alain dans le vestibule, on hurle des horaires de cours en fac, de TD annulés, de rendez-vous avec des copains, de refus de se laisser conduire à Lille, de recherche de tickets pour le bus Bolle, on cavalcade dans l'escalier, Jacqueline passe le nez, entre, virevolte de queue-de-cheval et de jupe new-look, une vraie fausse ingénue de calendrier pour routiers, vient jeter quelques magazines sur la table basse. Bonjour, elle voit Roland, considère le nourrisson, lui fait un guili dans un immense sourire, elle est belle ainsi, Jacqueline, qu'est-ce qu'il est mignon..." (p.159)

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9 décembre 2016

Ce recueil contient une douzaine de nouvelles. Toutes ont en commun de parler de gens simples et normaux, qui, à un moment donné, pour beaucoup d'entre eux agissent d'une manière totalement étonnante. Voici mes préférées :

Avant-première : Jean-Claude, vigile, fan de films d'action étasuniens a la chance et le privilège d'assister à l'avant-première du dernier film de Steven Seagal. Mais l'irruption de gangsters dans la salle va changer la physionomie de la soirée.

La source et l'estuaire : Lindsay se prépare à sa course, celle qui va le consacrer, mais en attendant celle-ci, derrière les starting-blocks, il s'allonge et des images surviennent en lui.

Mille étoiles et un soleil : Augustin vit à Djibouti, il a sept ans et sa copine Héloïse est très malade, elle vient d'être opérée et il va lui rendre visite à l'hôpital.

Pour commencer mon billet, je vais émettre une réserve qui vaut pour plusieurs nouvelles. Axel Sénéquier écrit des histoires dites "à chute", c'est bien, mais lorsque celle-ci est prévisible, le plaisir du lecteur est quelque peu émoussé. L'exercice est difficile et le lecteur sans pitié lorsque la chute censée être le clou de l'histoire tombe à plat, sans effet. Reste à travailler encore les chutes ou bien à écrire des nouvelles sans chute, des bouts de vie, ce qui, je l'avoue, est, dans la nouvelle, mon genre préféré. Néanmoins, ce qui sauve l'auteur -lorsqu'il est magnanime, le lecteur saura même lui pardonner-, c'est que les pages qui précèdent sont très agréables. Les personnages sont travaillés, les relations entre eux également et leurs forces et faiblesses apparaissent nettement, leur donnant un vrai caractère, ce qui n'est pas toujours évident dans la nouvelle.

Mes trois nouvelles préférées se détachent du recueil, pour l'humour dans Avant-première, ce décalage entre la vraie vie et les films d'action quand même assez loin du quotidien. Jean-Claude est un type sympa, un peu lourdaud qui ne pense qu'à vivre comme ses héros et n'a que cela en tête. La source et l'estuaire est beaucoup plus profonde, très belle en écriture et l'on entre dans l'espace de quelques pages dans le plus intime de Lindsay, c'est remarquablement fait. La nouvelle est plus elliptique, plus onirique bien qu'ancrée dans la réalité. Mille étoiles et un soleil est basée sur la maladie d'un enfant et sur une très belle légende racontée par le jardinier de l'ambassade, Babacar. Je ne sais pas si cette légende existe ou si elle sort du cerveau d'Axel Sénéquier, mais elle est formidable et rend cette nouvelle irrésistible. Que me restera-t-il de ces histoires ? Je ne sais pas, mais la lecture du recueil est agréable et fait passer de bons moments.

Belle découverte que ce recueil au titre évocateur qui résume bien le contenu : des gens simples qui à un moment donné, agissent d'une manière étonnante.