Mirontaine sta leggendo

http://lemondedemirontaine.hautetfort.com/

Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

22 avril 2011

Voici un conte élégant et bouleversant, pas simplement l'histoire triste sortie de l'esprit d'un être qui a souffert inutilement. Face au miroir, la reine Alice découvre une boule sur un sein... un crabe sous le rocher. Alice passe dès lors de l'autre côté du miroir. Elle entre dans un monde dénué de confort où l'ordre des choses est inversé.

Elle doit consentir par obligation pour chasser l'intrus et sublimer ce crabe en le transposant au pays des merveilles. Alice épouse le déséquilibre, elle cherche des forces alliées sur ce sentier jalonné de piques cruelles. Son périple l'emmènera dans le labyrinthe des agitations vaines puis dans la forêt du pas à pas de la convalescence. La reine Alice , comme un funambule sur son fil*, traverse de l'autre côté de soi. Elle croisera sur ce fil de la vie un ver à soie alias Cherubino Balbozar, une licorne qui lui offre un attrape -lumière (les photos vestiges du temps), sa fidèle amie la plume- stylo mais aussi de nombreuses lectures. Docteur Home lui confie une ordonnance d'une page quotidienne de Proust car il sait l'importance du minimalisme positif face au crabe. La reine Alice pénètre dans la Maison du Miroir « Hélas, il ne s'agissait en rien d'un jeu d'enfant ». Elle fait face aux assauts du chimiste, de Lady Cobalt et des mauvaises reines. Lydia Flem nous emporte dans cette fantasmagorie où la fiction sert à supplanter la réalité . La reine Alice devient la femme au turban, la quintessence d'elle-même, cette part indestructible qui avance pas à pas. Les choses sont humaines, les êtres se chosifient.

Voici un livre qui touche et émeut. Un témoignage personnel et délicat en apparence mais surtout une féérie à la Lewis Carroll, un conte en abyme , des images et des rêves familiers, cette quête entre le désir d'écrire et l'épuisement inhérent à la maladie. Lydia Flem manie la catharsis pour nous mener sur ce chemin de la renaissance et de la joie de vivre. La fiction et le réel s'entremêlent comme le turban sur la tête chauve de la Reine Alice. Avec sa plume-stylo et son attrape lumière, Lydia Flem fait tourbillonner les sentiments et les sensations pour ne retenir que la douceur de l'instant présent.

Je remercie infiniment Lydia Flem d'avoir su mettre en mots avec beaucoup de talent littéraire cette parenthèse intime.

Je vous invite à observer les photos « still life » prises grâce à l'attrape-lumière sur le blog de l'auteur.

Blog de Lydia Flem

Roman publié au Seuil , La Librairie du XXIème siècle. Février 2011.

Serpent à Plumes

17 mars 2011

Chienne de vie... J'ai emporté ce roman lors de mon dernier passage en librairie. Tout d'abord, j'étais assez tentée suite à l'article paru dans la revue Lire et puis une précision dans la quatrième de couverture m'a convaincue: « c'est le récit troublant de l'arrivée d'un écrivain dans la vie de ses personnages ».

Nous sommes au Danemark. Le roman s'ouvre sur la fuite de Bente. Elle est écrivain, mariée à un dermatologue. Elle est en panne d'inspiration. « Devant la page blanche, j'ai l'impression de disparaître ». Elle vient de traverser une longue période de déprime.

Elle n'a qu'une valise à roulettes lorsqu'elle rencontre à l'autre bout du pays Johnny et Cocotte. Ils se proposent de l'héberger. La maison de ce couple est tout de suite un formidable refuge pour Bente. Elle va nous narrer les petits riens de la vie quotidienne avec ce minimalisme positif que je recherche bien souvent en littérature. Bente évolue dans ce milieu plutôt rustre et silencieux, s'attardant sur des petits détails. On savoure le bruit du feu qui crépite, le bruit du vent, la rigueur d'une tempête de neige. Helle Helle cherche à percer le mystère des êtres grâce aux sensations et à l'ambiance de cette maison danoise.

J'ai repensé en refermant ce roman à la quatrième de couverture...ces personnages existent-ils vraiment? Sont-ils le fruit de son imagination? A-t-elle retrouvé l'inspiration? Helle Helle joue avec les frontières de la fiction, nous invitant à une très habile réflexion sur la création.

Traduit du danois par Catherine Lise.

Roman publié chez Le Serpent à plumes, mars 2011.

13 mars 2011

Sous une chaleur accablante, le festival d'Avignon est perturbé par la grève des artistes et intermittents. Odon Schnadel, propriétaire d'un petit théâtre, a décidé cette année de monter et jouer, tant bien que mal, Nuit rouge, pièce de Paul Selliès, jeune auteur mort il y a quelques années. La petite soeur de ce dernier, Marie, écorchée vive, est venue voir les mots de son frère mis en scène. Cet été voit aussi le retour de Mathilde, avec qui Odon a vécu une histoire passionnelle, et qui, devenue une grande comédienne célèbre et reconnue, se fait appeler la Jogar. Ces corps qui jouent, qui souffrent et qui supplient vont se croiser dans l'enclos fortifié de la cité des papes pour révéler un secret trop longtemps enfoui.


Si comme moi, vous aimez le monde du théâtre, ce livre est fait pour vous. Tout au long du roman, Claudie Gallay nous plonge au coeur des passions où se mêlent la vengeance, la trahison, le sentiment de culpabilité. L'univers est pesant, les petites fleurs sont dangereuses, les souffrances de Marie sont immenses. L'histoire se déroule pendant l'été caniculaire de 2003.

Je suis ravie de retrouver la plume de Claudie Gallay. Elle signe cette fois encore un très beau roman. Mon intérêt s'est porté davantage sur les personnages de second rôle comme Jeff,un rêveur bon à tout faire ou Isabelle, grande dame du théâtre. Isabelle est plus importante à mon sens dans l'histoire que la Jogar, elle est l'incarnation même de la comédienne. Elle a par ailleurs fréquenté les plus grandes personnalités du monde du théâtre comme Vilar ou Varda.

Je referme ce roman avec le même enthousiasme qu'en quittant une salle de spectacle, subjuguée par la beauté de la langue et le talent mis en scène par Claudie Gallay.

13 mars 2011

Voici mon deuxième rendez-vous avec cet auteur: Olivier Adam. Je n'avais lu jusqu'alors qu'une parution en collection jeunesse Sous la pluie. Je sais l'univers de cet écrivain assez sombre, pour autant son dernier roman m'intriguait.

Sarah est bouleversée par la mort de son frère. Nathan était un homme différent des autres, un écorché vif. Un homme qui ne trouvait pas sa place dans la société, un homme en mal de vivre. Cette dualité fraternelle repose sur un manichéisme assez surprenant. La complicité qui unit Nathan et Sarah au fil des années s'intensifie alors même que leurs styles de vie diffèrent profondément.

Nathan ne travaille pas, il mène une vie de bohème. Sarah a une vie rangée, elle a une vie parfaite avec mari et enfants...mais une vie qui finit par l'user. Elle choisit à la mort de son frère de fuir au Japon. Un petit village au pied des falaises sera son refuge. Un lieu de partage puisque quelques temps plus tôt Nathan a trouvé la quiétude auprès de Natsume dans ce lieu. Sarah part en quête des réminiscences de son frère. De cette manière, elle pense pouvoir se rapprocher de lui. Est-ce réellement possible? Comment fait-on pour passer à côté du mal être d'un proche?

"Vu de loin, on ne voit rien."

Le style d'Olivier Adam puise sa force dans l'évocation. Les descriptions sont si haletantes que le battement des coeurs n'est plus si régulier. La plume enchaîne les impressions et les sensations propres aux paysages et aux tourments du coeur.

Ce roman me rappelle celui d'Ogawa Les Tendres plaintes pour le côté apaisant du refuge au Japon. C'est une lecture assez âpre pour les longues soirées d'automne mais avec Olivier Adam, on oublie très vite la rudesse des vies pour ne s'attacher qu'à la beauté de l'écriture.

2 novembre 2010

Ce livre est un grand coup de coeur. Albanala est cartomancienne. Elle repart dans son pays et confie à sa nièce Julide, une vieille amie. Julide est déjà promise au mariage selon les traditions de son pays.

Mado, la vieille dame, est une source d'ouverture sur le monde extérieur. Elle vit dans une maison minuscule où seuls les chants du canari et la sonnerie du petit réveil rouge ponctuent sa journée. Sa passion est la photographie et elle saisit l'infiniment petit, un certain minimalisme positif des choses. Elle prend en photo les aspérités de la terre, le sol de son jardin. Au départ, Dominique Mainard attache beaucoup d'importance à la relation entre les personnages, davantage qu'à la narration. L'histoire est teintée de croyances et de magie!

Un étranger, l'indien, va perturber le quotidien de ces deux femmes. Ce personnage est une sorte de funambule qui consigne dans ses carnets le secret des étoiles. Un quotidien ordinaire mais magnifié sous la plume de Dominique Mainard. Dès l'instant où Mado aperçoit l'indien, elle en tombe amoureuse. Pour quelles raisons alors, Julide tente de les éloigner?

Secret, mensonge, exil et rencontres fortuites construisent ce sublime roman.La plume de l'auteur m'a emportée dans les lieux et j'aurais vraiment aimé habiter la maison de Mado.Un très joli conte romanesque que j'ai quitté à regret.