Mirontaine sta leggendo

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Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

21,50
3 janvier 2013

"De quoi ces photos étaient-elles le témoignage? Sûrement pas du bonheur. Si elles démontraient quelque chose, c'était uniquement que leurs parents avaient sacrifié au rite de l'immortalisation des évènements constitutifs de la vie familiale enregistrés et classés dans des albums en similicuir rouge, afin de n'y plus jamais revenir."


En 2008, j'ai beaucoup aimé Un Bonheur insoupçonnable et c'est avec un certain plaisir que j'ai ouvert le dernier roman de Gila Lustiger.

A la mort de leur oncle, Tania et Lisa se souviennent des moments passés à ses côtés dans la maison où il est né, dévoilant peu à peu les secrets de leur famille. La narration oscille d'une voix féminine à l'autre, un dialogue entre les deux sœurs, troublées par la disparition de leur oncle.

La plume est délicate et bien différente des précédents romans.

Cette nuit-là ne reprend pas le thème du conflit entre juifs et allemands mais pourtant il ne s'en éloigne qu'en apparence. Le sujet est abordé de manière plus subtile et au fil des réminiscences des deux sœurs, Gila Lustiger distille par petites touches un passé douloureux que l'on tente d'oublier.

C'est un très bon livre sur les sentiments, parfois différents, désormais transformés par une société déroutante. C'est une belle déclaration d'amour à la vie, un joli écrin pour les secrets de famille...

Roman publié chez Stock, Janvier 2013.

29 décembre 2012

"Comme si la vie passait à côté d'elle. Ou peut-être que c'est moi qui suis comme ça et que je me revois en elle quand j'étais petite. Avec cette impression que ma vraie vie s'écoule dans le lit d'un fleuve à côté de moi, je pourrais la rejoindre d'un bond, mais ce bond, je ne veux pas le faire. Et quand je découvrirai pourquoi, il sera trop tard. Ou quand la terre de la berge cédera tout simplement et que je me retrouverai dans le lit de mon fleuve, le courant m'emportera sans que je nage. Ce ne sont pas des choses qu'une enfant pense. Mais qu'elle vit. Moi je les vivais. Peut-être qu'elle est plus pragmatique, moins imaginative, plus moderne, elle nous supporte, je ne sais pas pourquoi elle nous supporte".


Je vous emmène dans une station thermale. Un hâvre de paix soit-disant. C'est probablement ce que pensent les trois femmes et la fillette qui se rencontrent dans ce lieu.Le temps est suspendu et on entre à pas feutrés dans ce gynécée. Loin du monde, celui des hommes, les femmes vont s'observer, apprendre à se connaître et révéler des secrets enfouis.

Lucy, la fillette, s'ennuie. Elle tente de débusquer les secrets de sa tante Emma. Giuseppina, telle une impératrice, jouit des plaisirs pantagruéliques de la vie. Lucia se montre soucieuse du temps qui passe et tente de conjurer le sort en s'adonnant aux soins de chirurgie esthétique.

Peut-on échapper à ce que l'on est? Telle est la question posée par Ginevra Bompiani dans ce très beau roman "mélancomique" . Dans le huis-clos, les femmes se révèlent à elles-mêmes.La plume est incisive au sujet du temps qui passe, de la vieilesse et de la maladie. Ces femmes souffrent toutes d'une timidité affective. Le lieu de la station thermale crée l'illusion, celle d'échapper au temps, de se créer un nouveau départ à force de bains de mer.

La chute est très belle et marque l'apogée de toutes les vérités.

Roman publié chez Liana Levi en Octobre 2012, traduit de l'italien par Jean-Luc Defromont.

Merci à Dialogues Croisés pour cette très belle découverte.

19,00
28 décembre 2012

J'ai ouvert le dernier roman de Gilles Paris, publié aux Editions Don Quichotte Au Pays des kangourous et j'ai fait la connaissance de Simon. Agé de neuf ans, Simon découvre son papa recroquevillé dans le lave-vaisselle.

Elle est plutôt étrange la famille de Simon. Sa maman travaille chez Danone et s'exile régulièrement en Australie, pays des kangourous. Alors, Simon aime beaucoup lézarder sur le canapé avec son papa, écrivain en peine. Ils écoutent les Blacks Eyed Peas et regardent des DVD jusqu'au jour où le papa de Simon commence à avoir le teint gris, la mine défaite et le t-shirt sale...puis vint l'épisode du lave-vaisselle.

J'ai beaucoup aimé m'immiscer dans cet appartement parisien et partir à la rencontre de ce petit garçon attendrissant. Faire parler un enfant de neuf ans n'est pas chose facile et Gilles Paris réussit parfaitement ce défi.

Le coeur se serre un peu lorsque Simon évoque sa relation avec sa maman qui ne l'embrasse jamais. Evoquer la dépression du point de vue de l'enfant n'est pas simple mais le rythme enjoué et l'humour offrent une tonalité très plaisante à l'ensemble du roman. Des personnages hauts en couleurs comme la grand-mère paternelle de Simon apportent beaucoup de fraîcheur à ce roman qui aborde une thématique plutôt sombre.

Le papa de Simon sera bientôt interné, lors des visites au centre des grises mines, il rencontre Lily. Une gentille fée, un mirage qui sait guider l'enfant sur les chemins de la maladie. Cette petite fille est l'amie imaginaire chère aux enfants.

Un sujet triste mais magnifiquement sublimé par la plume de Gilles Paris et sa galerie de personnages loufoques, véritables pépites de vie.

Un livre doudou pour s'offrir une jolie parenthèse de douceur.

13 décembre 2012

La scène s'ouvre dans un cimetière parisien. On enterre Adèle la française. Embusquée sous un bouquet d'arbres, Susan assite à la scène. Autour de la tombe, se trouve Fleur, petite-fille d'Adèle.

Quel lien unit ces trois femmes?

Susan, la cinquantaine, vit en Amérique. Elle cherche à comprendre sa mère en lisant sa correspondance avec sa soeur en Afrique du Sud.

Fleur cherche à connaître l'histoire de cette grand-mère, émigrée polonaise. Lors de la Libération, elle a croisé Stanley,le père de Susan.

Voici le point commun qui va unir le destin de ces trois femmes: Stanley, le soldat américain.

Roman polyphonique qui retrace les liens unissant ces femmes, le rêve américain d'Adèle exilée juive de l'entre deux guerres mais surtout un roman sur l'importance des réminiscences chez ces femmes dont les trajectoires sont tantôt tracées, tantôt déviées.

Comment le passé peut-il modifier l'organisation de la vie?

La plume de Carole Zalberg apporte au récit beaucoup de sensibilité.J'ai beaucoup apprécié le personnage de Susan, dont le parcours de vie explique son aigreur.

Avec A défaut d'Amérique, Carole Zalberg convoque habilement les grands moments de l'Histoire du siècle dernier, notamment grâce à Adèle.

Je vous invite à ouvrir ce roman pour un formidable voyage dans l'espace-temps de cette filiation féminine... voyage qui fait écho en chacun de nous, tant l'histoire est universelle.

13 décembre 2012

Arsène Le Rigoleur, contrairement à ce que suggère son patronyme, il ne rigole pas beaucoup. Paysan breton, bourru, il vit dans une ferme assez isolée. Un beau jour arrive la famille Maffart, des citadins avec leurs deux enfants, Louis et Juliette. La petite fille joue beaucoup dans la cour d'Arsène et sa maman s'interroge. Louis, plus réservé, rôde autour de la maison d'Arsène mais ne s'en approche jamais.

Dans une langue paysanne, Arsène raonte son quotidien à la ferme, il évoque sa mère placée dans une maison de retraite et son unique copain Yvan. Arsène se livre et l'atmosphère devient de plus en plus lourde. L'histoire de notre paysan breton est distillée au fil des pages jusqu'à l'émergence d'une étange filiation aux renards.

Le roman de Fabienne Juhel oscille entre la vision manichéenne du bien et du mal, des secrets et des révélations, les meurtres et la douceur d'Arsène. L'humain et l'animal s'entremêlent dans le personnage taciturne.

J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce roman dans ce cadre mystérieux d'une vieille ferme bretonne où règnent les croyances populaires. Et puis le feu follet Juliette ravive progressivement la noirceur d'Arsène.

Voici l'incipit, vous n'avez plus qu'à poursuivre la lecture de ce très beau roman dont on attend la fin avec angoisse et soulagement...

« C’est ici qu’il se terre. Non loin des hommes qu’il fréquente à distance, entre chien et loup.

Il a toujours habité ici, dans ce bois, après le village, sur cette butte qu’on appelle Le Tertre. Sans doute parce qu’il y est né. Ça aurait pu être un autre bois, plus au sud, sous un meilleur climat, ça aurait été pareil ; il n’aurait pas bougé. Aucun danger. Est-ce qu’on demande à un arbre d’aller planter son fût ailleurs ? Est-ce que ces choses-là sont mêmes possibles ? »