Librairie coiffard

Conseillé par (Libraire)
20 février 2024

Conseillé par Coralie, Alexandra, Morgan, Quentin, Stéphanie et Rémy

Ce n'est que dans les toutes dernières pages que l'on apprend la raison de la détention de la narratrice, double littéraire de l'autrice qui tient à souligner que, malgré sa large part autobiographique, ce livre est un roman.
Un roman qui s'ouvre dans une voiture de flic, un soir de printemps à Tunis. Trimballée depuis des heures dans une chaleur suffocante, la jeune française va passer par "La Geôle" avant de se retrouver dans la prison civile pour femmes de Tunis : La Manouba. Incarcérée dans le Pavillon D, en attente de son procès, Pauline arrive dans une cellule de 30 m2 occupée par vingt-sept autres femmes avec toute l'arrogance de sa jeunesse, ses certitudes de femme engagée, et si elle a un peu peur et a été ébranlée par les fouilles humiliantes des gardiennes, elle hésite encore sur l'attitude à adopter au milieu de ces femmes. On lui a fait penser que ces codétenues étaient des monstres et peut-être le sont-elles, pourtant c'est une solidarité régie par une multitude de règles que Pauline va découvrir. Elle déplace alors son regard, et en faisant ce pas de côté, c'est tout un monde qui se dévoile. C'est un geste et un malentendu qui vont la déstabiliser. Un soir, en prenant la main d'Hafida, elle la retourne machinalement pour y lire les lignes parce qu'adolescente elle s'était amusée à se renseigner sur la chiromancie. Les corps sont effacés en prison. Un simple toucher, et peut-être un peu de superstition, vont suffire à délier les langues et créer une intimité. Avec Pauline, le lecteur découvre l'histoire de ces femmes, et comme elle on s'interroge alors : qui sont vraiment la victime et le bourreau ?
Ce roman est un hommage à ces femmes emprisonnées qui se révèlent bien plus belles et complexes qu'on ne l'avait imaginé, c'est une histoire de sororité, d'un champs de mauvaises herbes qui se transforment sous nos yeux en un jardin fleuri parce que même si ces femmes sont certainement bien plus coupables qu'elles veulent le faire croire, elles sont fortes, elles sont puissantes et leur solidarité les élève, et le lecteur avec elles.
Un grand coup de cœur.

Le Livre de poche

8,40
Conseillé par (Libraire)
20 février 2024

Conseillé par Marion R et Stéphanie

Le roman s'ouvre sur une scène qui pourrait paraître innocente et qui ne l'est pas. Une petite fille de six ans, Lou, joue à "Je te tiens, tu me tiens pas la barbichette" avec Gérard, son papa.
Mais ce que l'on comprend vite, Lou étant la narratrice, c'est que malgré la tendresse dans le regard et même dans les subterfuges amusants de l'homme pour essayer de faire flancher sa fille, Lou en a peur, viscéralement.
Et si dès le chapitre suivant, elle avoue : "petite, j'étais amoureuse de mon père", on ne peut s'empêcher de penser à cette peur que l'enfant ressentait en jouant à ce jeu pas tout à fait innocent.
Dans une première partie, Lou raconte son enfance et ce père au passé extrêmement douloureux, la rencontre tardive de ses parents, son arrivée un peu miraculeuse et Gérard. Gérard qui navigue en permanence sur la frontière invisible de la violence, physique et psychologique. L'enfant ne sait pas sur quel pied danser avec cet homme encombrant, alors elle se met à la danse justement, elle soumet son corps elle-même à la grande violence de ce sport.
Comment faire ? Que faire de l'amour de ce père insaisissable?
Dans la deuxième partie du roman, on retrouve Lou, danseuse professionnelle, jeune adulte vivant à Londres. Son rapport à la virilité est complètement biaisé mais la rencontre avec un homme va venir ébranler cet enfermement.
Largement inspiré de sa vie, ce roman est un livre choc, intime, qui vous aspire, vous envoûte de la même manière que ce père manipule son enfant. Blandine RiInkel est très douée pour installer une tension addictive à la limite de l'insoutenable. Un excellent roman.

7,90
Conseillé par (Libraire)
20 février 2024

Conseillé par Agathe, Stéphanie et Rémy

Le narrateur de cette histoire était chauffeur de tramway avant la Grande Guerre mais un obus lui a arraché une main. Depuis la fin du conflit, il vit donc de sa pension et arrondit ses fins de mois en aidant des familles à retrouver leurs disparus ou à réhabiliter des soldats injustement exécutés. C'est donc un enquêteur du passé, un soldat qui n'a jamais tout à fait réussi à raccrocher.
En 1925, une dame argentée, Jeanne Joplain, lui demande avec insistance de retrouver son fils disparu en 1917. Elle est persuadée qu'il est encore vivant.
Très vite une incroyable histoire d'amour surgit mystérieusement derrière cette disparition. Il va en falloir des années d'enquête pour arriver au fin mot de cette histoire qui finit par virer à l'obsession pour notre soldat, certainement parce qu'elle ressuscite un visage aimé, celui d'Anna.
Gilles Marchand nous plonge avec une gouaille, un rythme, une musicalité sans pareil dans cet univers de l'après-guerre, un monde meurtri dans son corps et dans son âme. On dirait du Tardi faisant de la poésie.

Conseillé par (Libraire)
20 février 2024

Conseillé par Stéphanie et Rémy

Voici un excellent roman contemporain qui dit le Rwanda d'aujourd'hui. Un Rwanda inscrit dans la modernité mais meurtri par son passé.
Durant une année, Erika, une jeune femme vivant à Kigali, écrit à sa sœur qui réside en Belgique. Le point de départ de cette correspondance à sens unique est la rupture amoureuse d'Erika avec Vincent. Une rupture qui vient remuer la plaie béante laissée par le génocide dans l'âme des Rwandais.
Dominique Celis, tout comme Erika, est rwandaise d'origine Tutsi par sa mère et Belge par son père. En donnant la parole à Erika, elle montre la complexité de la situation très particulière qu'est la politique d'unité nationale et de réconciliation appliquée par l'Etat rwandais depuis le génocide de 1994.
Erika est habitée par un combat intérieur, elle dont les tantes ont été massacrées mais dont les parents ont réussi à se réfugier en République du Congo.
Elle est aussi entourée par des personnages hauts en couleur qu'elle fréquente chez Maman Colonel. Des hommes et des femmes qui sont sa nouvelle famille et qui apportent une grande lumière au livre et qui éclairent aussi le cheminement intérieur difficile d'Erika. Elle doit trouver le moyen de se réinventer une histoire en lien avec ce petit pays au passé indélébile que l'État souhaiterait effacer.
Il est grand temps d'entendre la voix de Dominique Celis. Elle est scandée, contemporaine, lucide, sans concession et donc essentielle.

Conseillé par (Libraire)
20 février 2024

Conseillé par Coralie et Stéphanie

Fille unique et adorée de Victoria, elle-même fille de pauvres pêcheurs basques, et de Julian, fils de prostituée élevé à l’orphelinat, Maria grandit dans les beaux quartiers parisiens grâce au métier de son père, gardien du théâtre de la Michodière. Avant même de découvrir l’énorme secret qui entoure sa naissance, Maria est déjà en quête d’identité parce qu’elle a compris au collège qu’elle ne grandissait pas dans le même milieu que ses camarades. Ils sont pourtant les « Francèses » bourgeois quand ils passent l’été à Bilbao avec ses parents. Maria mène cette quête avec sa touche personnelle, avec son culot, son humour, son rejet, son réalisme cynique auxquels se mêlent une grande fierté, un amour et une foi en la vie. Maria Larréa a un ton, elle joue sa partition de manière très entraînante. La langue est là, aux accents espagnols, elle glisse et enveloppe l’histoire de ces immigrés et surtout de ces femmes aux maternités diverses.
Article rédigé par Stéphanie Hanet pour la revue Page des libraires