Hervé Bellec

Biographie

Hervé Bellec est né en 1955. Après avoir été successivement musicien puis patron de Bar, il est aujourd’hui professeur d’histoire-géographie dans un lycée de Brest. Il a publié de nombreux romans et nouvelles ayant pour théâtre la Bretagne dont il sait à merveille traduire les ambiances.

Contributions de Hervé Bellec

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Entretien avec Hervé Bellec

Entretien avec Hervé Bellec au sujet de son recueil de nouvelles "Si c'est ma femme, je suis pas là" (editions-dialogues.fr)

L’écriture de nouvelles, est-ce pour vous un exercice d’écriture difficile ou une expérience littéraire singulière ?

Si c'était facile, ça se saurait ! Je dois d’abord préciser que je suis un grand lecteur de nouvelles, celles qui font deux trois pages, le temps que les nouilles cuisent, jusqu’à celles qui prennent une demi-heure de lecture avant d’éteindre la lumière. Raymond Carver, pour ne citer qu'un exemple. Une nouvelle, c’est une intrigue, un décor et des personnages qu’il faut poser dans un espace relativement restreint, ce qui impose des choix, une certaine forme d’épuration. Ce format me convient parfaitement et je dois avouer que je n’ai actuellement pas la disponibilité nécessaire pour pondre des bouquins de 500 pages.

Les hommes, les femmes et l’amour unissent les nouvelles de votre recueil. Malheureusement, le plus souvent, cela finit en drame. Est-ce donc vrai que « les histoires d’amour finissent mal, en général » ?

Oui, bien sûr que les histoires d’amour finissent mal, ne serait-ce que par la disparition de l’un ou de l’autre. Dans mon bouquin, on est dans le domaine de la fiction totale et pour les besoins narratifs, je dois évidemment ajouter du salé, parfois du bien pimenté. Aujourd’hui, la plupart des couples se séparent pour un oui, pour un non, essoufflés après quelques années, en bout de course. On est en plein « tournez-manège ». J’ai essayé de traduire ce renoncement dans 120 pulsations minute. Le type se dit finalement qu’il serait moins fatigant pour lui d’abandonner tout de suite plutôt qu’essayer de sauver les meubles en courant après celle qu’il aime. Ceci dit, je connais autour de moi plus d’un couple qui tient la marée depuis des décennies et qui ne cesse de m’attendrir pour cette raison. Je les envie, sincèrement.

Selon vous, dans un couple, qui mène la danse ? Bien souvent, le héros de vos nouvelles, Baptiste, porte un regard parfois de mépris, parfois de colère, sur la femme avec qui il partage sa vie. D’autres fois, c’est la femme, toute-puissante, qui régit la vie de son compagnon. Y’a-t-il un principe général ?

Seigneur Dieu ! Je ne suis ni psychanalyste ni conseiller conjugal, je ne suis qu'un raconteur d'histoire. Je ne donne pas de conseils et j'évite de porter des jugements sur mes personnages mais qu'on le veuille ou non, l'amour est un rapport de force. On est sur le ring. Parfois, c'est la femme qui gagne, parfois c'est l'homme. Aux points ou par KO, ça dépend de chaque histoire. J'ai testé plusieurs cas de figure, plusieurs types de combat. La plupart sont des êtres fragiles, bien abimés par la vie et j'essaie de les attraper au moment où ils sont sur la crête, c'est-à-dire prêts à tomber d'un côté ou de l'autre. Tu pe du, comme on dit en breton. Mais je dois avouer que j'ai pris un plaisir un peu pervers à croquer de sacrées emmerdeuses et d'authentiques salopards.

Avez-vous été tenté de donner à vos nouvelles des fins joyeuses et légères ?

Il faut que j’y songe, je vendrais alors peut-être autant de bouquins que Marc Levy. Je ne suis pas d’un caractère foncièrement pessimiste, je n’ai pas de penchants suicidaires particuliers mais la vie, c'est la vie. Il suffit de lire la chronique des faits divers pour s'en convaincre. Ce sont les femmes, en général, qui s'en prennent plein la tronche et c'est épouvantable, navrant, scandaleux parce que sans vouloir tomber dans l'eau de rose, le sentiment amoureux est quelque chose d'assez prodigieux. Allez savoir pourquoi ça tourne au vinaigre la plupart du temps ! Que de gâchis ! C'est ce que j'essaie de comprendre et de raconter depuis des lustres. Promis, le prochain bouquin aura une happy end ! Et là, je parie qu'on me reprochera ma complaisance.
4/ Dans chacune de vos nouvelles, soit l’histoire se passe en Bretagne, soit une référence y est faite, comme un fil rouge. La Bretagne est-elle pour vous un terrain de jeu fécond ?
L'une d'entre elles se situe dans un coin paumé des Cévennes que je connais un peu mais c'est exact, la plupart des histoires se déroulent ici. Tout simplement parce que je me sens plus à l'aise dans un décor que je maîtrise. Je m'imagine difficilement écrire une scène de ménage entre un gynécologue brésilien et une avocate d'affaire de Shanghai sur une gondole à Venise et même si c'est un cliché, il faut peut-être ajouter que mes personnages collent assez bien avec le caractère fataliste et taciturne qu'on accorde souvent aux Bretons.

Pour quelle nouvelle de votre recueil avez-vous le plus de sympathie, de tendresse ?

J’aime beaucoup Marie Vieille-Taupe. Au départ, il s’agissait d’un projet théâtral avec Nolwenn Korbell que nous avons dû abandonner faute de temps et de disponibilité (ce qui ne signifie pas que nous y renonçons). Mais j’ai gardé le personnage que j’avais ébauché, une femme de caractère comme on dit, sans préciser s’il s’agit du bon ou du mauvais. Une femme bien de chez nous, pudique et indécente à la fois, une femme meurtrie et pourtant d'une sublime générosité. De plus, écrire à la première personne en se mettant dans la peau d’une femme représentait pour moi une gageure assez intéressante.

Si c’est ma femme, je suis pas là. D’où provient ce drôle de titre ?

Quand j’étais bistrotier à Plouguerneau, j’avais comme client un vieux célibataire un peu ivrogne qui, dès qu’il entendait la sonnerie du téléphone retentir dans le bar, nous sortait immanquablement cette bonne blague qui à la longue ne faisait rire que lui. Au bout de 50 fois, ça commence forcément à lasser. Mais des clients me demandaient parfois la même chose de la façon la plus sérieuse qui soit. J’avais leur femme au bout du fil : « Allo, Dédé n’est pas chez toi, par hasard ? » Le Dédé en question me faisait à l'autre bout du comptoir de grands signes de la main pour dire non, non, non, je suis pas là ! Alors je répondais : « Non, désolé, Cathy, je l’ai pas vu de la soirée ! » Et le Dédé en était quitte pour payer sa tournée. C’est aussi un livre sur la lâcheté, celle des hommes surtout, qui n'ont jamais vraiment le beau rôle dans ce livre. Bien fait pour eux.


Hervé Bellec nous parle de son livre Rester en rade (éditions Dialogues), illustré par Philippe Kerarvran dans l'émission Dialogues littéraires, réalisation : Ronan Loup.
Interview par Laure-Anne Cappellesso.