Petit traité de l'injure
EAN13
9782841875788
ISBN
978-2-84187-578-8
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Guide
Nombre de pages
262
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
447.09
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Petit traité de l'injure

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DU MÊME AUTEUR

Amin Dada ou les Sombres Exploits d'un sergent de l'armée britannique, éd. Régine Deforges, 1978.

Le Café-Théâtre, PUF, « Que sais-je ? » n° 2260, 1985.

Dictionnaire du français branché, Seuil, 1986.

Les Beatles (en collab. avec Jacques Volcouve), Solar, 1987.

Dictionnaire du français branché (2eéd.), suivi du Guide du français tic et toc, Seuil, 1989.

Le Blues de l'argot, Seuil, 1990.

Le Yaourt mode d'emploi, Seuil, 1991.

Le Déchiros (roman), Seuil, 1991.

L'Assassinat de John Lennon (récit), Fleuve Noir, 1993.

Lexique du français tabou, Seuil, 1993.

Les Drôlesses, Seuil, 1995.

L'Argot, Hachette, « Qui, Quand, Quoi ? », 1996.

Le Dico de l'argot fin de siècle, Seuil, 1996.

Argot, verlan et tchatches, Milan, « Les Essentiels » n° 85, 1997.

L'Argus des mots, L'Archipel, 1997.

Revolution... Les Beatles (en collab. avec Jacques Volcouve), Fayard, 1998.

L'Argot du foot, Mona Lisait, 1998.

Le Dico du français qui se cause, Milan, « Les Essentiels », 1998.

Le Prêt-à-parler, Plon, 1999.

Le Dico du français branché (avec Le Branché fin de siècle), Seuil, 1999.

Florilège des mots de l'amour, Plon, 2000.

John Lennon, la ballade inachevée, L'Archipel, 2000.

Le Foot comme on le cause, Hors Collection, 2001.

Bréviaire du cynique, L'Archipel, 2001.

La Prunelle du chat (roman), éd. Joëlle Losfeld, 2001.

John et Paul, le roman des Beatles, Hors Collection, 2002.

Précis de français précieux au XXIe siècle, La Renaissance du Livre, 2002.

Céline, les paradoxes du talent, Milan, « Les Essentiels » n° 219, 2002.

Gouaches (nouvelles), La Renaissance du Livre, 2003.

Ma déclaration d'amour, Seuil, 2004.

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eISBN 978-2-8098-1517-7

Copyright © L'Archipel, 2004.

L'injure faite à l'injure

« Traité »... cela ne fait pas un peu pompeux, un peu solennel, voire un brin prétentieux sur les bords, non ?... Qu'on se rassure, il ne sera pas question ici de disséquer le pourquoi du comment du continuum infernal moquerie-reproche-accusation, ni de se gargariser jusqu'à plus soif de l'« axiologique négatif » ! Mais alors, pourquoi le mot « traité » ? La réponse à cette subtile question à double détente ne peut que jaillir d'elle-même : « Parce que, compte tenu du sujet, c'est vraiment le mot qui s'imposait, eh, espèce ! » Espèce ? Eh oui ! Aujourd'hui, pour peu que l'on soit du genre moderne saveur branchouille, on s'arrête là où, normalement, on lâche la version intégrale, qui n'est probablement pas autre chose, on l'aura deviné, qu'« espèce de con ». C'est comme ça : on fait dans l'allusif, c'est tendance. À cet égard, « espèce » tout court est donc très représentatif de l'injure telle qu'on la conçoit, l'invente ou la réinvente, telle qu'on la forge ces temps-ci, si tant est, d'ailleurs, qu'il s'en fabrique encore qui soient vraiment dignes de ce nom. Car c'est un fait déjà établi depuis quelque temps mais qui s'affirme en notre début de siècle : si l'injure n'est pas encore à proprement parler une « valeur à la casse », pour employer une expression de boursier, son CAC 40 est quand même sérieusement à la baisse ! D'où cette question-comble : injurierait-on l'injure, par hasard ?

Quand, en travailleur de l'oreille qui traîne, on passe une bonne partie de sa vie à scruter obsessionnellement l'horizon langagier, ce qui est mon cas, on a en effet l'impression que, par les temps qui courent, et c'est d'ailleurs une des raisons qui m'ont amené à écrire ce livre, l'injure et l'insulte, domaines jadis extrêmement riches, inventifs, foisonnants, tonitruants, vibrionnants, jubilatoires et se renouvelant sans cesse, se font bizarrement moins tranchantes, moins fécondes, en un mot moins fortes qu'autrefois. Qu'elles nous la jouent profil bas, les injures ! Qui l'eût cru !... Entendons-nous bien : on s'injurie et on s'insulte toujours, bien sûr. Et quotidiennement. Mais c'est le plus souvent à la traditionnelle, à l'aide de mots, de tournures ou d'expressions qui ont vingt, cinquante, cent ans d'âge et parfois davantage, alors que la société, elle, a tellement changé dans ce même laps de temps. Veut-on pour preuve un petit tour d'horizon de ce qu'il y a de plus courant en notre début de XXIe siècle ? Volontiers. « Merdeux », qui apparaît au XIIe siècle, ainsi que « fils de pute », sous la forme de « filz a putain » ; « connard », qui date du XIIIe siècle ; « pisseuse » du XVIe ; « salope », de même que « con » et « connasse » dans le sens d'« imbécile », du XVIIIe. Quant à « gueule de con », « enculé », « couille molle » (remis en selle à la fin du XXe, et d'abord par les « Guignols de l'info », sur Canal Plus), « morue » et « pédé » (qui, dépassant le sens strict d'homosexuel, s'applique à tout individu jugé méprisable), ils se pointent ou se répandent vers le milieu ou la fin du XIXe siècle. Ça fait bien vieillot ! Et, par-dessus le marché, on le disait, aucune nouvelle du front ! Va-t-on m'objecter que les injures ci-dessus sont immuables, éternelles, et que par conséquent point n'est besoin d'en inventer d'autres ? Allons donc ! Le mot « éternel » n'a pas de sens pour ce qui vit, observerait ce bon La Palice. Or, il se trouve que le langage, par essence, vit, bouge et se transforme. Constamment. Et dans toutes ses composantes, injures incluses.

Nulle nécessité d'être grand clerc ou observateur patenté pour se rendre compte que triomphent dans le français courant d'aujourd'hui, celui de tous les jours et de tout le monde, tous les euphémismes, litotes, périphrases possibles et imaginables. Que c'en est un feu d'artifice à jet continu ! Et que, funeste conséquence, tout est bon, désormais, pour appeler un chat un félidé domestique. Sale temps pour l'injure, donc, que cette époque de précautions oratoires obligées et de culture de l'excuse, que ces temps où l'exclusion, dans son sens le plus large donc le plus vague, a été décrétée fléau n° 1 ! Car il est aujourd'hui, du moins en paroles, exclu d'exclure, alors que la fonction de l'injure est précisément d'exclure celui à qui l'on s'adresse. Voilà pourquoi, sans doute, on se contente, quand se présente l'occasion de laisser éclater son ressentiment ou son humeur, du stock d'injures existant, tout en se gardant bien de la mauvaise pensée d'en forger de nouvelles, plus adaptées à notre temps.

Il est vrai qu'aujourd'hui des invectives calquées sur l'anglo-américain, sur l'arabe ou d'autres langues minoritaires dans l'Hexagone circulent chez des jeunes, dans nos cités, nos banlieues, ou nos cités de banlieues. Mais il s'agit là d'importations, de bricolages, de francisations à la va-comme-je-te-pousse, dont la plupart ne touchent qu'une petite frange de la population. Il est faux de croire que « les jeunes » ont une façon de parler à eux et de fantasmer sur « les banlieues » qui auraient leur propre langage. Bref ! D'inventions stricto sensu ? Là comme ailleurs, toujours pas ! Et la question demeure entière : l'injure, l'insulte sont-elles encore ce qu'elles étaient, c'est-à-dire truculentes, puissantes, mordantes, volontiers réactives et, au bout du compte, défoulantes pour tout le monde ? Sont-elles toujours ces baromètres langagiers dans lesquels on décelait, à travers la bravade, les tabous, les peurs et les interdits d'une société ?

Il en est qui, mollement vautrés sur le matelas douillet de la bonne conscience et du tenace politiquement correct ambiant, s'empressent de se féliciter de cet état des choses, affectant de voir là une sorte de polissage bienfaisant de la société, l'amorce d'un long chemin dont l'apothéose « postbaba-cooliste et boboïsée » serait le triomphe universel de la non-violence ou quelque voie royale enfin dégagée vers une rédemption tant souhaitée, tant appelée, tant attendue. Comme c'est beau ! Mais comme c'est faux, aussi. Ne faudrait-il pas plutôt y voir le symptôme d'un « léger » blocage ? Le signe qu'une soupape de sécurité et d'évacuation ne fonctionne plus, ou fonctionne...
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