Regards sur les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle
EAN13
9782718194813
ISBN
978-2-7181-9481-3
Éditeur
Editions Sedes
Date de publication
Collection
Regards sur l'histoire
Nombre de pages
288
Dimensions
24 x 16 cm
Poids
533 g
Langue
français
Code dewey
940.252
Fiches UNIMARC
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Regards sur les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle

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Chapitre I?>Vie quotidienne et vie matérielle au XVIIe siècle?>En 1642, Louis Le Nain immortalise sur la toile Le repas des paysans, et nous nous retrouvons dans la pièce principale, celle qui abrite le sommeil, les repas, le travail, quand les intempéries ne permettent pas de rallier les champs, en particulier par les longues soirées d'hiver. De nombreux détails de la vie matérielle sont aisément identifiables : une nappe blanche recouvre une table basse composée vraisemblablement d'une planche de bois reposant sur des tréteaux, une grosse miche de pain est placée sur la table, les hommes au premier plan sont en train de déguster du vin clairet dans de longs verres effilés... A la même époque, dans sa grande série sur les sens, Abraham Bosse, représentant le goût, nous fait assister à un repas aristocratique. Sur une nappe aux plis impeccablement marqués sont disposés deux couteaux de table et deux assiettes, encore assez proches, par leur forme, des anciens tranchoirs. Au centre de la table se trouve un artichaut, posé sur un plat et gardé à bonne température grâce à un petit réchaud, disposition très soignée pour un mets raffiné qui avait été importé d'Italie au XVIe siècle. L'homme boit du vin dans un verre à jambe, tandis qu'un valet lui apporte un pichet qu'il a rempli à une bouteille protégée à clins et mise dans un rafraîchissoir. Deux autres serviteurs veillent au bon déroulement de ce repas servi dans une belle salle à manger décorée d'une tapisserie reproduisant une turquerie, et largement ouverte sur l'extérieur. Sur ces deux scènes, la vie matérielle éclate dans sa foule de détails concrets, mais le même thème est traité dans deux espaces sociaux aux antipodes l'un de l'autre. Et à l'intérieur même d'un tableau apparaissent des hiérarchies puisque le paysan de droite, sur l'œuvre de Le Nain, est de rang inférieur, probablement un manouvrier, car ses pieds sont nus, ses vêtements déchirés et il adopte une attitude faite d'humilité. L'objet est ici symbole de pouvoir, de réussite et donc de fascination sociale comme si les plus riches faisaient l'essai de plaisirs qui entreront un jour dans le domaine de la consommation de masse1 mais, au XVIIe siècle, le luxe ne se rencontrait que dans une frange très minoritaire de la société par laquelle arrivaient les innovations. Pour mesurer ces différenciations sociales, pour remettre l'homme dans son environnement, pour comprendre le quotidien, la peinture fournit, bien sûr, une approche de choix, tout comme la littérature, car c'est un plaisir d'accompagner Mademoiselle de Scudéry dans un château ou de parcourir un jardin avec Madame de Lafayette, mais on privilégiera les livres de raison qui consignent les achats au jour le jour, etsurtout les minutes notariées qui nous permettent de pénétrer chez les morts, en témoins indiscrets du passé.L'HOMME DU XVIIe SIÈCLE DANS SON ENVIRONNEMENT?>Les duretés du climatQue le XVIIe siècle soit un siècle rude est une banalité tant la noirceur des temps a été soulignée par les chroniqueurs et les épistoliers de l'époque. L'année 1675 est connue pour son été pourri, au sujet duquel Madame de Sévigné écrit à sa fille à Grignan, en Provence le 28 juin 1675 : « Il fait un froid horrible, nous nous chauffons, et vous aussi, ce qui est une bien grande merveille », et elle s'interroge quelques semaines plus tard : « le procédé du soleil et des saisons est-il changé ? » L'hiver qui marqua le plus profondément les esprits fut, sans aucun doute, celui de 1709, comme le rappelle le duc de Saint-Simon qui profitait pourtant du relatif confort du château de Versailles :« L'hiver, comme je l'ai déjà remarqué, avait été terrible et tel que, de mémoire d'homme, on ne se souvenait d'aucun qui en eût approché. [...] La violence de toutes les deux (les gelées) fut telle que l'eau de la reine de Hongrie, les élixirs les plus forts et les liqueurs les plus spiritueuses cassèrent leurs bouteilles dans les armoires de chambres à feu et environnées de tuyaux de cheminées, dans plusieurs appartements du château de Versailles, où j'en vis plusieurs. [...] La seconde gelée perdit tout. Les arbres fruitiers périrent ; il ne resta plus ni noyers, ni oliviers, ni pommiers, ni vignes, à si peu près que ce n'est pas la peine d'en parler. Les autres arbres moururent en très grand nombre, les jardins périrent, et tous les grains dans la terre. On ne peut comprendre la désolation de cette ruine générale2. »Les paléoclimatologues ont baptisé « petit âge glaciaire » une période de quatre siècles, qui va, grosso modo, de 1450 à 1850, et qui connaît son paroxysme de 1589 à 17153. C'est dans les Alpes, surtout en Savoie, que le phénomène de refroidissement général a été le mieux analysé. Les registres de la Chambre des Comptes du duché de Savoie, les baux de dîmes en constituent les sources documentaires les plus parlantes. La spectaculaire avancée des glaciers se solde par la destruction de maisons et de champs, et par la réduction des revenus décimaux. Des villages fondés au minimum deux ou trois siècles auparavant, sur des sites que leurs habitants estimaient protégés, sont saccagés par l'assaut des glaciers. Chamonix connaît une baisse de population et la chute des recettes alpagères et fromagères. Un rapport des Prudhommes du 28 mai 1642 est fort clair :« Outre que le dit glacier appelé des Bois... va avançant de jour à aultre, et mesme dès le mois d'Aout de plus d'une mousquetade à l'encontre du dit territoire, et s'il vient à continuer quatre années en faisant de mesme il court fortune de faire périr entièrement la dite dismerie [...] Et quant à la dismerie de la Rozière, disent avoir veu quau village du Tour, il survinct une lavanche de neige et de glace environ le mois de janvier en l'année 1642, laquelle emportat deuxmaisons et quatre vaches et huit brebis [...] Estant aussi le dit village du Tour fort menacé du glacier dict du Tour duquel sort la dite rivière d'Arve, lequel va avançant et s'élargissant sur le territoire4. »Comme le prouve ce texte, les glaciers étaient tout près des villages et les hameaux du Tour, d'Argentière, de La Rosière, du Châtelard, des Bois ou des Praz, étaient littéralement bordés par les fronts glaciaires. Le refroidissement est également mesurable dans l'Europe du nord-ouest, avec l'augmentation du nombre de jours pendant lesquels les canaux hollandais sont gelés. Du point de vue climatique, le programme de concours présente donc une incontestable cohérence chronologique, mais certainement pas spatiale puisqu'en Angleterre, les conditions météorologiques furent caractérisées par des étés et des hivers doux. Le recul démographique fut d'ailleurs beaucoup moins accusé, alors qu'en Castille, la causalité climatique ne joua pas au moment des crises, le fort recul de la population s'expliquant avant tout par des attaques répétées de la peste. Quelles sont les origines de ce refroidissement ? Les spécialistes se perdent en conjectures et c'est ainsi qu'en 2000, l'Américain Thomas Crowley estimait que 41 à 61 % des variations de températures au cours des siècles ayant précédé la révolution industrielle étaient imputables au soleil et aux volcans5.
Faut-il établir, comme les contemporains, un lien de cause à effet entre les « intempéries de l'air », les mois de froidure et les crises de subsistance ? En fait, ce rapport n'est ni direct ni obligé. L'hiver de 1683-1684 fut parmi les plus redoutables, or lorsque les paysans se rendirent dans leurs champs pour voir comment leurs cultures avaient résisté, ils découvrirent des blés d'hiver magnifiques qui, pendant plus de deux mois, avaient été protégés par les différentes couches de neige6. Et pourtant, pendant des semaines, les fleuves avaient été pris par les glaces, ce qui frappa énormément les témoins ; on découvrait des gens morts de froid sur les chemins, mais ils n'avaient pas l'estomac vide. Cette rigueur de l'hiver se fit sentir cette année-là jusqu'en Angleterre où le froid fut constant de Noël 1683 au 15 février 1684. À Londres, la Tamise fut prise du 23 décembre au 7 février, elle était si fortement gelée qu'on put y installer des boutiques et qu'on y tint une foire pendant deux semaines. Un chr...
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