Réparer les vivants

Maylis de Kerangal

Verticales

  • Conseillé par (Libraire)
    30 mai 2014

    Le personnage principal de ce roman, ce n'est ni la mère ni le père du jeune garçon qui, victime d'un grave accident de la route, est plongé dans un coma profond et irréversible ; ce n'est pas le médecin qui annonce la mauvais nouvelle aux parents effondrés, ni même l'infirmier qui leur parle du don d'organe ; ce n'est pas non plus Juliette, la petite amie qui, si jeune, voit sa vie bouleversée ; non, le personnage principal de Réparer les vivants, c'est le cœur de Simon, ce cœur qui continue de battre artificiellement et qui pourrait permettre à Claire de vivre ! 24 heures... 24 heures de souffrance, d'hésitation, de peur, de frénésie et d'excitation... 24 heures pour que ce cœur quitte le corps sans vie de Simon et soit transplanté dans celui de Claire, vivant mais malade... 24 heures pour « réparer les vivants ».
    Le plus difficile, en ce qui concerne la lecture du magnifique roman de Maylis de Kerangal, c'est de réussir à déchiffrer le texte quand on a les yeux embués de larmes... Il est d'une beauté à couper le souffle, il est d'une telle intensité que l'on ne peut lâcher l'ouvrage tant que la lecture n'est pas terminée ! L'auteure parvient avec majesté à nous faire ressentir toutes les émotions contradictoires qui propulsent les personnages dans des états seconds ; on côtoie tour à tour la douleur, la peine, l'espoir, l'appréhension... On s'attache à chacun, on apprécie la beauté du geste, et on pleure le fils perdu, l'amant disparu... Il se savoure, ce roman puissant et envoûtant !


  • Conseillé par
    8 septembre 2014

    Magnifique!

    Lorsque j'ai commencé la lecture de ce roman, j'ai vite été subjuguée par la qualité de l'écriture. Maylis de Kerangal nous emmène dans un tourbillon d'émotions qui fait suffoquer, palpiter, qui étourdie et assomme...

    L'événement, la mort d'un jeune homme et la transplantation de son coeur dans le corps d'une femme malade, se déroule sur 24h.

    Les protagonistes entrent et sortent du récit au milieu d'un chapitre, d'un paragraphe, d'une phrase.


    Les mots sont beaux et puissants.

    Les phrases interminables illustrent et les descriptions magnifiques illustrent l'urgence de la situation, la profusion des émotions, le besoin de réflexion et d'introspection.

    Tout et tous sont à la frontière.

    A la frontière du désespoir, de la mort, de la vie .

    Il y a Simon, fou de surf, en état de mort cérébrale mais dont le coeur bat toujours, et Claire, dont le coeur est fatiguée et qui ne vit pratiquement plus, habitant à côté de la Salpetrière, en attente d'une greffe, économisant le plus possible ses efforts pour maintenir ce coeur en vie.

    Il y a l'entourage, les parents de Simon et sa petite amie, les enfants de Claire, tous à un moment de leur vie où tout bascule, où rien ne sera plus jamais comme avant.

    Il y a les médecins et infirmiers qui gravitent autours d'eux, avec leur vie, leur savoir-faire, leur vision des choses et leur réflexion.

    C'est un roman qui rend hommage à la vie, hommage au coeur, hommage aux hommes.

    C'est une lecture magnifique.


  • Conseillé par
    17 août 2014

    Si le thème de ce livre ne m'attirait pas vraiment, d'avoir lu des articles enthousiastes sur les blogs et d'avoir entendu l’auteure parler de son livre , a fini par me convaincre d'y plonger à mon tour.
    Plonger est bien le mot, un livre que je n'ai pas beaucoup lâché entre la première et la dernière ligne.
    C'était ma première lecture d'une œuvre de Maylis De Kerangal et j'ai été séduite par son écriture et par la construction de ce texte.
    Malgré ce thème si dur : la mort tragique d'un jeune homme, l'annonce de cette disparition aux parents, le choix d’accepter ou de refuser le don d'organes, la transplantation en elle-même ... le livre ne tombe pas dans le pathos.
    L'alternance des points de vue (famille, médecin...) rythme le récit de ces 24 heures tragiques et livre de beaux portraits de personnages très différents, qui resteront en mémoire.
    C'est aussi une source de réflexion (très bien documentée) sur le milieu médical et l'occasion de se poser à notre tour ces fameuses questions autour du don d'organes.
    Une histoire prenante, émouvante, qui en prime est instructive et ouvre la réflexion, que demander de plus?


  • 4 juin 2014

    Un texte dont on parle beaucoup, souvent je m'en éloigne et j'attends pour découvrir avec un peu de recul la pépite dont tout le monde parle.D'autant plus que le sujet est si délicat, qu'il mérite le moment opportun et la force nécessaire pour regarder en face l'indicible.

    Je découvre le style de Maylis de Kerangal et mes premières impressions étaient plutôt nuancées en début de lecture. L'écriture semble "métallique", "froide" comme pour mieux mimer le drame dès l'incipit.

    Simon Limbres est un jeune homme, passionné par le surf. Fasciné par ce jeu dangereux avec les vagues, c'est pourtant au coeur d'un van que Simon fera face à la faucheuse.Son coeur bat encore mais le comas est irréversible.On pénètre dans le service de réanimation, espace à part qui accueille les vies tangentielles, les comas opaques, les morts annoncées.Simon n'est plus qu'un corps situé entre la vie et la mort. Le suspense régit l'espace du monde diurne, celui de la vie continue et stable. Autour de cette dimension évoluent les proches de Simon et le corps médical.

    Marianne, la mère de Simon louvoie comme une couleuvre. Elle qui rêve d'un happy end acidulé, fait preuve d'une grande abnégation. Le temps qui s'écoule freine le destin en marche.Nous sommes dans l'outremonde, un espace souterrain ou parallèle, un monde perfusé de mille sommeils où les médecins veillent.

    La douleur des impossibles retours en arrière est mise en voix de manière très subtile et l'écriture se fait plus douce.Le présent du drame est juste beau, sans tire-larmes. Face à l'intérieur détruit de Simon et son extériorité paisible, le corps médical s'affaire. Des questions se posent notamment celle du don d'organes.Le regard des médecins cerne les parents de Simon, tel un objectif, là où la mort est soustraite aux regards.

    Loin du simulacre de la mort, l'indicible n'est pas théâtralisé mais habilement mis en mots avec un élan pour enterrer les morts et réparer les vivants.

    "Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps. Que subsistera-t-il, dans cet éclatement, de l'unité de son fils?Comment raccorder sa mémoire singulière à ce cors diffracté? Qu'en sera-t-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme?"


  • 4 juin 2014

    Première rencontre avec Laura Kasischke. Je savais son talent pour créer des ambiances, unissant tour à tour, mystères, questionnements et surprises.J'ai choisi ce titre édité récemment en poche. Récit d'une réminiscence du passé, le roman s'ouvre sur un tempo allegro: une scène de crime. Dans un lycée américain, un tueur s'approche de deux jeunes filles,deux amies que rien ne sépare jusqu'alors. Deux jeunes femmes pleines d'avenir dont l'une d'entre elles se nomme Diana.

    Une première porte se referme sur ce sombre événement. Le temps passe, laissant la place à l'oubli ou son semblant.Devenue Diana Mac Fee, charmante épouse d'un homme brillant, maman d'une petite fille adorable, enseignante passionnée, elle vit dans une demeure d'un quartier huppé.

    Mais le souvenir de cette journée particulière de son adolescence hante son esprit.Beaucoup de portes se sont refermées derrière elle depuis le drame mais rien n'efface la violence de cette journée.
    Laura Kasischke met en scène la routine d'un quotidien banal jusqu'aux petits symboles distillés au fil de la narration pour démolir la quiétude de cette vie parfaite. Le portrait de Diana est majestueux tant dans sa faiblesse féminine que dans le trouble qu'elle incarne. L'auteur réussit à transcender l'agression permanente dans la tête de son personnage. Sous couvert d'une femme lisse et admirable se dissimule la plus terrible paranoïa et chaque événement troublant apporte un éclairage particulier sur le sens des images employées.

    Un très bel univers, rythmé, avec des mots ciselés même si certaines ruptures narratives peuvent lasser parfois.


  • Conseillé par
    9 mars 2014

    Coup de coeur!

    Maylis de Kerangal fait preuve d'une virtuosité telle que je sors éblouie de cette lecture et pleine du regret de l'avoir finie, bien que j'aie fait durer ces trois cent pages pendant cinq jours, un record surtout quand on sait que je suis en vacances. Je ne voulais pas quitter cette écriture, je ne voulais pas non plus avancer trop vite, je ne voulais que Simon nous quitte vraiment, et je savais que j'aurais beau relire le roman (et c'est une certitude, je le relirai et l'offrirai à foison), rien ne serait comparable à cette première lecture. Maylis de Kerangal manie les mots et les phrases avec maestria, maîtrisant parfaitement les lexiques différents qu'elle aborde : celui du surf ou de la médecine.
    Les phrases sont délicieusement longues, elles se déroulent au rythme de ce temps qui s'écoule, qu'on veut voir s'écouler lentement, au rythme de la douleur de ces parents, très touchants, des médecins qui attendent l'accord de la famille mais ne veulent rien brusquer au risque de tout faire échouer, du receveur aussi. Il n'y a aucun pathos dans ce roman, ce qui ne m'a pas empêché de verser quelques larmes (mais très peu au vu du thème). D'ailleurs, Maylis de Kerangal n'hésite pas à introduire Rose à qui l'on est reconnaissant de nous offrir cette pause fraîcheur et la gravité est toujours proche de moments plus frivoles, si bien incarnés par Cornelia, l'infirmière.


  • Conseillé par (Libraire)
    22 janvier 2014

    Magistral !

    Quel roman ! A la fois bouleversant et palpitant, écrit d'une plume extraordinaire et vibrante, "Réparer les vivants" est un roman remarquable qui, même s'il ne laisse pas indemne, est bouillonnant de vie. Magistral !


  • Conseillé par
    22 janvier 2014

    Simon Limbres passionné de surf est victime d'un grave accident de voiture à dix-neuf ans. Dans un coma dépassé, son état est irréversible. Perfusion lente et profonde d'une lourdeur sourde à ses parents, les mots et les pensées qui s'entrechoquent et se brouillent à la vision de Simon qui semble vivant car il est maintenu en vie grâce à des machines. Mais Simon est cliniquement mort et l'équipe médicale souhaite prélever ses organes dont son cœur pour transférer la vie.
    Mais pourquoi ai-je attendu si longtemps pour lire Maylis de Kerangal? Quelle écriture mais quelle écriture sublime! Elle s'approprie les lieux, le temps, ses personnages. Les ressentis sont désincarcérés pour nous foudroyer de plein fouet.

    Elle fait parler les silences et les recoins, les habite d'une écriture sauvage, maîtrisée et majestueuse, étire les rubans de phrase (mais sans jamais perdre le lecteur) pour y planter et dresser des refuges pour ses personnages si humains, elle nous bouscule et nous fait chavirer.
    L'écriture s'orchestre autour de cette transplantation cardiaque. Du chant de douleur des parents à la procédure collective médicale, ce rituel minutieux et ordonné d'une équipe où chaque minute compte, les émotions irradient à chaque page.
    Les personnages ne parlent pas, ils murmurent, crient de rage, demandent avec espoir, soufflent ou dictent un mot, halètent d'angoisse. Associés au langage du corps, les espaces réverbèrent la langue, se font échos de l'intensité qui enveloppe ces vingt-quatre heures de l'accident de Simon aux différentes de l'opération. Un travail collectif autour d'un même but où chacun a un rôle précis à jouer, une symphonie orchestrée sans aucune fausse note de permise : les espoirs du futur receveur se cristallisent et les parents de Simon approchent l'idée du décès de leur fils.
    Nous sommes projetés dans la peau et l'esprit de Marianne (la maman de Simon), dans celui d'une infirmière ou du coordinateur des greffes ou du chirurgien avec toute leur humanité, et ce sont autant d'émotions qui prennent à la gorge. Entre cette sorte de paix qui nous gagne par les représentations symboliques du cœur, les questions inhérentes de ses parents (le cœur de Simon qui battra bientôt dans une autre cage sera-t-il porteur de l'esprit et du caractère du jeune homme ?) et celles du receveur, la tension fluctue très irrégulièrement, le lecteur est ballotté et l'on ressent la situation, on éprouve les sensations des différents personnages.
    Maylis de Kerangal évite tout pathos, elle fait fait preuve d'une finesse intelligente et éblouissante par son style, par sa capacité à rendre l'intensité, l'humanité de ce qui gravite et interfère autour de la mort et la vie.
    J'ai fait corps avec cette lecture magnifique, puissante et délicate ! Et impossible de choisir un seul extrait...