Bienvenue, roman

Yi-seol Kim

Philippe Picquier

  • Conseillé par
    20 janvier 2018

    Yunyeong est entrée dans le monde du travail dès l'âge de 16 ans. D'abord pour aider ses parents, ensuite pour financer les études universitaires de sa sœur cadette. Désormais, elle a 32 ans, elle est maman d'une petite Ayeong et entretient son compagnon Jeong-man qui prépare un concours de fonctionnaire. Mais ses journées sont épuisantes, elle travaille dans un restaurant, gagne peu, n'a pas le temps de s'occuper de sa fille et Jeong-man délaisse ses livres. Quand sa sœur la contacte pour lui réclamer de l'argent, Yunyeong se sent obligée de lui venir en aide et n'a d'autre choix que d'accepter de se prostituer. Elle accompagne les clients du restaurant dans un petit pavillon privé et se laisse faire dans le but d'améliorer son quotidien. Pourtant, la chance semble vouloir la déserter définitivement. Les problèmes s'enchaînent, sa mères, sa sœur, son frère, son compagnon, sa fille, tous réclament des soins, de l'argent, du temps et Yunyeong porte seule le poids d'une famille qui trouve naturel de la faire trimer sans répit.

    Bienvenue en Corée du Sud dans le triste monde de Yunyeong, une femme gentille et dévouée qui ne demande pas grand chose à la vie, juste un bon emploi, un salaire décent et un peu d'aide de son compagnon. Mais tout cela lui est refusé, la faute à pas de chance, la faute peut-être aussi à son caractère accommodant, son absence de rébellion, son incapacité à dire non. Dans un pays où la réussite est le but avoué de tous, où l'économie florissante promet bien-être et argent facile, Yunyeong fait partie de ceux qui sont restés sur le bord du chemin, les exclus du miracle économique du ''dragon asiatique''. Sans doute parce qu'elle n'a pas su s'affranchir des vieux principes qui régissent encore la société coréenne : l'aînée de la famille doit subvenir aux besoins de ses parents, de ses cadets, une femme est peu de chose quand un homme a des besoins, des désirs, des projets. Alors elle se laisse vampiriser, pense aux autres avant elle-même, travaille sans relâche, allant jusqu'à vendre son corps, fait parfois de mauvais choix, patauge dans les ennuis sans espoir d'en sortir.
    Un roman sombre et triste avec une héroïne qu'on aimerait secouer un peu pour qu'elle s'éloigne de tous les parasites qui l'entourent. Mais malgré la misère, le puits sans fond de la malchance, on ne peut qu'admirer sa force, son courage, sa détermination à s'en sortir, son pragmatisme teinté de candeur. Un beau portrait de femme, en somme.