La couleur des sentiments, roman

Kathryn Stockett

Éditions Jacqueline Chambon

  • Conseillé par
    26 septembre 2012

    En 1962, à Jackson, Mississippi, il est de bon ton d'avoir, à domicile, une domestique noire, pour faire le ménage, la cuisine et s'occuper des enfants. Toute famille blanche et bourgeoise qui se respecte se doit d'employer une de ces perles rares et aussi de posséder, à l'extérieur de la maison de préférence, les toilettes qui lui sont destinées. Parce que les bonnes noires ont beau savoir cuisiner comme personne, connaitre les secrets de la pâtisserie, faire briller l'argenterie et calmer les enfants turbulents, il n'empêche qu'elles transportent avec elles nombre de microbes et bactéries qu'elles pourraient transmettre à leurs patrons blancs en utilisant leurs toilettes, leurs couverts, leurs verres ou leurs assiettes.


    Les maîtresses de maison de la bonne société n'ont aucune vergogne à utiliser et exploiter ses bonnes formées dès l'enfance à servir les blancs.
    Pourtant, au milieu de tant d'intolérance, de mépris et d'injustices, une petite voix essaie de se faire entendre; c'est celle de Miss Skeeter. Tout juste de retour de l'université, la jeune femme se lasse très vite des tournois de bridge et des parties de tennis. Elle postule donc au journal local et se voit confier la rubrique des arts ménagers. N'y connaissant rien, elle se rapproche d'Abileen, la bonne des Leefolt qui va lui confier tous ses trucs et astuces de bonne ménagère. Mais Miss Skeeter en veut, plus! Son rêve, c'est d'être écrivain et c'est d'une maison d'édition new-yorkaise que va lui venir l'idée d'écrire sur les conditions de vie des bonnes noires à Jackson. Mais ces dernières, méfiantes et apeurées, ne souhaitent pas parler et Miss Skeeter va devoir se montrer persévérante et patiente pour finalement se rallier Abileen, son amie Minny et enfin de nombreuses autres. Ensemble, elles vont secrètement braver les interdits pour écrire un livre-témoignage qui va chambouler la bonne société de Jackson.

    Roman à trois voix, La couleur des sentiments porte l'histoire de deux bonnes noires, Aibileen et Minny et d'une jeune fille blanche, Skeeter Phelan.
    Aibileen est une femme ronde et douce qui élève des petits blancs depuis bien des années. Elle essaie de leur inculquer le respect de soi et des autres et elle s'empresse de changer de maison dès qu'elle sent que l'école, les parents, la société ont raison de ses enseignements. Elle veut éviter à tout prix de lire le mépris dans les yeux d'un enfant qu'elle a élevé comme le sien. Sa vie, ses bonheurs, ses drames, ses chagrins, elle les laisse sur le pas de la porte de ses employeurs pour n'être plus qu'une bonne obéissante qui subit en silence toutes les humiliations.
    Minny est bien différente d'Aibileen! Malgré les soucis que cela lui cause, elle a bien du mal à se taire et à rester à sa place. Réputée pour être difficile, elle trouve de plus en plus difficilement un travail, surtout quand ces dames se passent le mot pour ne pas l'employer. C'est finalement chez Miss Célia, rejetée elle aussi par la bonne société, qu'elle trouvera un engagement.
    Miss Skeeter, fille d'une riche famille de planteurs, est différente de ses amies. Elle a choisi de faire des études et de travailler avant même de songer au mariage. Plus libre, plus moderne, plus ouverte d'esprit, elle était très attachée à Constantine, la nounou noire qui l'a élevée pendant 22 ans pour finalement partir sans lui donner la moindre explication. Skeeter cherche la vérité et à travers ce cas personnel, c'est toute la vérité sur la vie des bonnes noires qu'elle va connaitre. Et si lever le voile sur la discrimination et le racisme doit lui coûter un fiancé ou des amies, et bien tant pis! Skeeter veut défendre ce qui est juste.
    Armées de leur seul courage, ces trois là vont nous entraîner dans une histoire tendre et émouvante mais non dénué de suspense. Avec elles, on tremble, on rit, on pleure, on se révolte, on se réjouit. Et surtout, on réfléchit...à l'injustice, à la bêtise humaine. 50 ans nous sépare de cette histoire, les choses ont changé, mais pas tant que ça...


  • Conseillé par (Libraire)
    1 décembre 2011

    happée ...

    Voilà comment je suis entrée dans ce roman : c'est avec légèreté que j'ai emporté ce livre mais en commençant à le lire, je suis arrivée à la page 80 saisie d'intérêt et de curiosité.
    C'est avec une réelle avidité que je souhaitais, chaque soir, voir ce qui allait advenir des ces femmes noires dans cet univers pour blancs ... jusqu'à la gloutonnerie !
    Marquant aussi parce qu'on pense aux personnages en dehors du livre : sans admiration mais respect, on replonge dans cette effrayante période de l'histoire où chacun devait "repenser" les dogmes.
    C'est si agréable d'être hypnotisé par un roman ! Une certaine intensité du déroulement et de la description de la nature humaine : et vous, qu'en penserez-vous ... ?


  • Conseillé par
    23 février 2011

    526 pages lues en apnée totale. On aurait pu m’annoncer qu’une vague de chaleur de 40 degrés minimum s’abattait sur Brest ou que la Rade n’existait plus, je n’aurais même pas réagi.Parce qu'une fois commencé ce livre, il est impossible de laisser Aibileen, Minny et Skeeter. Cette lecture m'a attrapée, m'a ferrée et quand je ne lisais pas, leurs voix me trottaient dans la tête.
    J’étais à Jackson, ville du Mississipi en cette année 1962. Aux côtés d'Aibeleen dans la cuisine, je la regardais s’occuper avec amour de Baby Mae Mobley. Mais aussi à nettoyer, laver, préparer les repas… A faire son travail de domestique, de bonne. A répondre « Oui, Ma’am » à sa patronne et à ses amies. Serre les dents, leur servir le thé et ne rien dire lorsqu’elles parlent des Nègres qui sont si différents d’eux.

    J’ai tremblé de dégoût et de honte quand Minnie s’est faite renvoyée pour un vol qu’elle n’avait pas commis. Et quand Skeeter a décidé d’écrire un livre où les bonnes allaient pouvoir témoigner sur leurs patronnes blanches, j’ai eu envie de sauter de joie. Elle qui une fois terminée ses études à la Fac veut montrer et apprendre ce qui se passe réellement. Même si ses parents emploient des gens de couleur, même si ce sont ses amies qui sont concernées. Elle va réussir à convaincre Aibileen de lui faire confiance puis Minny. Elles se verront en cachette car Aibileen et Minny prennent des risques énormes. D’autres suivront et témoigneront elles aussi.
    Tour à tour, Aibileen, Minny et Skeeter parlent, racontent cette histoire. Roman polyphonique, on se glisse dans la peau de chacune d’elles et on vit, on ressent ce livre ! Avec leurs mots, c’est tout un passé qui ressurgit. Un passé peu glorieux où écoles, hôpitaux, magasins, bibliothèques étaient différents pour les Blancs et les Noirs. Des temps où la ségrégation raciale était bien ancrée dans les mœurs des familles blanches du Mississipi. Les gens de couleur subissaient vexations, humiliations et bien pire s’ils décidaient de transgresser les lois en vigueur. Mais une époque aussi qui verra Martin Luther King faire un rêve.
    Alors oui ! Elles vont s’accrocher pour mener à bien ce projet fou ! L’injustice, le racisme, la mesquinerie, le mépris mais aussi la peur, la volonté que les choses changent, la vraie amitié, l’humour et l’amour pur jalonnent les pages de ce bon et vrai roman. Un roman magnifique, juste, drôle, sensible et bouleversant !
    Et pour moi, c’est plus qu’un coup de cœur !
    A lire également, la postface de l’auteur qui est très touchante et toute en pudeur.


  • Conseillé par
    19 octobre 2010

    un roman inoubliable

    Il est rare qu'une lecture me bouleverse autant, me poursuive même quelques jours après avoir refermé le livre la dernière page tournée. Je crois que je n'avais pas envie de quitter Aibileen, Minny et Miss Phelan, de les abandonner à leur sort sans savoir ce que l'avenir allait leur réserver. Bien sûr, il s'agit "d'êtres d'encre et de papier" mais Kathryb Stockett, par la puissance de son histoire, leur a donné plus qu'une vie, un destin.

    Nous sommes à Jackson, Mississippi, en 1963. Selon le maire, la ville est un petit Paradis où chacun a sa place, les Blancs d'un côté, les Noirs de l'autre. Les lois raciales ne sont pas remises en question, elles constituent même le fondement de cette micro-société malgré leur caractère totalement absurde. Pourtant, la graine de la révolte est semée par Miss Hilly, présidente de La Ligue, dictateur en jupon et langue de vipère. Elle tient sous son joug les jeunes femmes blanches de Jackson et milite pour qu'une loi soit votée afin que les bonnes noires aient des toilettes indépendantes dans la maison de leur employeur. Selon elle, une trop grande promiscuité pourrait entraîner des maladies. Cette loi, cette petite graine, va pousser Skeeter Phelan, pourtant une amie très proche de Miss Hilly, à agir. Elle en vient à se demander quel est le point de vue des bonnes sur cette question. Ce questionnement est déjà en soi une extraordinaire avancée. Jamais peut-être auparavant, elle n'avait envisagé que les employées de couleur puissent posséder une opinion. Une fois mis le doigt dans l'engrenage, elle va "apprivoiser" petit à petit Aibileen, la bonne de son amie Elizabeth puis d'autres bonnes et l'idée d'un livre de témoignages va naître. Dans ce livre, les femmes noires pourront livrer leur version des faits, l'envers du décor. Un peu comme Candide, Skeeter découvre que la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle l'imaginait, que la relation entre une femme blanche et sa bonne noire n'est pas forcément calamiteuse, qu'il y a des moments de complicité mais aussi des moments de cruauté absolue.

    Cette formidable fiction nous montre des femmes qui s'émancipent aussi bien Miss Phelan d'ailleurs que les employées noires. Elle nous montre des femmes déterminées qui risquent leur vie (le Ku-Klux-Klan est une menace permanente) pour apporter leur pierre à l'édifice que Martin Luther King est en train de bâtir.

    Je vote pour que ce roman figure au programme de la nouvelle option en Seconde Générale :"Littérature et Société". Puisse-t-il bouleverser et faire réfléchir nos futurs citoyens sur les lois qui doivent permettre de mieux vivre ensemble...